Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les insurgés (Defiance)


USA / 2008

14.01.2009
 



PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS





«- Chaque jour de liberté est un acte de foi»

S’il n’est pas toujours facile d’aborder avec originalité, efficacité et sens de l’histoire les évènements tragiques propres à la seconde guerre mondiale, ce choix, aussi légitime soit-il, revêt pour un faiseur de la trempe d’Edward Zwick un pari supplémentaire non sans risque. Or, si Edward Zwick est un artisan cinéaste appliqué, c’est aussi un malin. Car au lieu de s’attaquer frontalement à une énième revisitation de la Shoah, il décide de focaliser sa caméra dans la Biélorussie de 1941 en nous contant le destin incroyable des trois frères Bielski bien décidés à survivre face à l’envahisseur Nazi.

Bien que romancé à la sauce hollywoodienne, les Insurgés possède cette rudesse d’approche indispensable pour faire passer, chez les spectateurs les moins exigeants, l’extraordinaire épopée d’un millier de juifs ayant trouvé refuge dans une forêt encerclée par les troupes nazi et l’Armée Rouge. Pourtant et au-delà d’une mise en situation plutôt immersive, cette rébellion de la dernière chance semble presque secondaire tant elle est dépossédée narrativement de son impact visuel ou, mais c’est tout comme, dramatique. L’histoire subie de plein fouet l’orientation d’un cinéaste préférant se reposer sur le schéma convenu – car mainte et mainte fois abordée – de la figure héroïque de gens ordinaires placés dans une situation qui ne l’est pas. C’est ainsi qu’Edward Zwick abuse des charismes en action (dualité, honneur, vertu exacerbée, sens du devoir etc.) et décline son long métrage sous la forme d’une chronique trop vite linéaire pour ne pas dire lassante. L’essence même du film se retrouve en porte-à-faux à la suite de cette focalisation sans doute nécessaire mais manquant cruellement de mordant et d’implication de mise en scène. L’ennui pointe le bout de son nez, le niveau de tension descend de deux octaves et la permanence du danger, de la précarité au jour le jour et de l’âpreté du combat pour la liberté est évacuée aux oubliettes.

La séparation des frères explose le scénario
A la situation quasi désespérée de ces nombreuses familles anonymes, Zwick oppose une histoire fraternelle parasitaire, moteur de l’action, se retrouvant condamnée à faire face à un choix des plus cornélien. En effet, si Tuviac Bielski (Daniel Craig, décidément de plus en plus à l’aise dans des rôles de tête d’affiche) décide de recueillir, de protéger et d’organiser la communauté malgré le froid des hivers, le manque de nourriture et les risques de dérapages de tout chef improvisé, Zus Bielski (Schreiber, solide contre-pied) exhorte les hommes de la nouvelle communauté à rejoindre les rangs de l’Armée Rouge. C’est par cette opposition frontale que le réalisateur fonde son film, aussi bien sur le plan dramatique que sur l’aspect psychologique, les aînés Bielski catalysant les volontés de chacun mais semant, par leur divergence, les éléments de fragilisation d’une survie déjà plus que précaire. Véritables héros tragiques, les deux frères – le rôle du troisième, bien qu’important, passe inaperçu sauf vers la fin du film – concentrent l’attention et le semblant d’unité jusqu’au point de rupture, moment phare et fort de leur séparation. Dès cet instant, le film explose (indigestion de personnages caricaturaux sans aucune portée dramatique réelle, ni interaction véritable avec les deux frères), devient binaire (montage alterné poussif qui ruine le rythme) et enchaîne les évènements comme un vieux métronome rythmant sans passion les notes de l’apprenti pianiste.

L’erreur de Zwick est d’en avoir trop fait là où il n’était pas nécessaire de créer outre mesure des héros. L’histoire s’en chargeait déjà, il n’y avait donc plus qu’à rendre compte par un parti pris sans doute beaucoup plus tranché, la menace d’une réalité dangereuse, insoutenable, recluse. Cette lacune, d’aucuns diront qu’elle est impardonnable, stigmatise un scénario grossier, le cinéaste icônisant tellement les frères Bielski qu’il se voit obligé de stéréotyper le reste de la distribution. Comme à son habitude, la mise en scène est carrée, un peu vide, mais suffisamment élaborée techniquement pour donner du relief aux scènes de vengeances et de combats. Pourtant, nous sommes très loin de l’impétueuse caméra d’un Sam Peckinpah dans la Croix de Fer. Si pour certains le verre sera à moitié vide (manque d’engagement), pour d’autres il sera à moitié plein (véritable prise de risque). A ce titre, Les Insurgés représente l’exemple parfait de cette ambiguïté artistique qui frappe aujourd’hui un certain nombre de projets cinématographiques issus d’Hollywood.
 
geoffroy

 
 
 
 

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