Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le bal des actrices


France / 2009

28.01.2009
 



DOUZE FEMMES





Si l’on considère, à l’instar de l’écrivain, qu’un second film confirme le talent d’un metteur en scène, alors l’épée de Damoclès flottant au-dessus de la tête de Maïwenn s’est évaporée d’un coup tant Le bal des actrices s’avère une brillante réussite à la fois drôle et grave, légère et profonde.
Pardonnez-moi, le premier long-métrage de la jeune cinéaste, se distinguait déjà par sa vitalité décapante et déjouait les chausse-trappes dégoulinantes du (psycho)drame filmé en numérique. Virtuosité miraculeuse ou embryon d’un véritable talent ?... Avec Le bal des actrices, Maïwenn affirme sa patte : la spontanéité et la grâce dans leur plus pure expression.
Ce second opus revendiqué par son auteure comme une comédie, cueille le spectateur à rebrousse-poil et le plonge dans une belle émotion entre deux éclats de rire. Le tout en évitant le piège de son casting pluriel(les) : le numéro de piste de douze actrices. Trois petits tours de piste et puis s’en vont !

Dans ce scénario de vraie fiction aux allures de documentaire, très écrit malgré son apparence foutraque, Maïwenn s’y entend pour brouiller les cartes. Elle incarne une cinéaste un brin Inrocko-Téléramo-branchouille qui se prend pour Sofia Coppola et entreprend de filmer le quotidien d’une poignée d’actrices avec une caméra numérique.
Résultat : toutes les comédiennes gardent leur identité, mais interprètent une problématique plus ou moins éloignée de leur réalité artistique.
Chaque portrait est souligné par une séquence de comédie musicale, représentation ultime de l’actrice selon la réalisatrice. C’est ainsi que Romane Bohringer, Julie Depardieu, Mélanie Doutey, Marina Foïs, Estelle Lefebure, Maïwenn, Linh Dan Pham, Charlotte Rampling, Muriel Robin et Karole Rocher poussent des chansonnettes composées par Anaïs, Benjamin Biolay, Jeanne Cherhal, Pauline Croze, Holden, Marc Lavoine, Nina Morato et Joeystarr.
Déjà vues chez Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Jeanne et le garçon formidable) et chez François Ozon (8 femmes), les plages musicales filmée en Demy-Technicolor semblent à priori casse-gueule. Mais très vite, le film s’envole avec une Karin Viard, atteinte du syndrome Juliette Binoche, qui apprend l’anglais pour conquérir la planète Hollywood. Une Mélanie Doutey qui trouve un sens à sa célébrité en adoptant exotique comme Angelina Jolie. Une Jeanne Balibar qui troque sa panoplie d’intello contre celle d’une "Bombe Raider" gesticulant sur fond vert.
Plus diffuse et sensible, la partition d’Estelle Lefebure, mannequin vulnérable qui travaille dur pour se faire accepter par le milieu du cinéma et celle de Romane Bohringer, perpétuellement recalée aux essais parce que trop ou pas assez connue. Artiste condamnée à vanter le dernier mobile Nokia pour entretenir son image et arrondir ses fins de mois. Sans systématisme outrancier, toutes les interprètes épinglées dans un contexte où la crudité de la lumière côtoie la rudesse de l’ombre offrent un moment de doute baigné de larmes vides ou pleines de sens.

Géométrie de l’actrice

Qu’est-ce qu’une actrice ? Et plus particulièrement, une actrice de cinéma ? Une femme qui, telle une Belle de Jour, fait en permanence le grand écart entre la vierge et la putain. Sur grand écran, une image composée d’un visage et d’un corps plus grand, plus vrai, plus beau que nature. À portée d’yeux, de fantasmes et pourtant lointaine, inaccessible. Funambule de chair et de rêve en proie à l’inspiration des producteurs, des scénaristes et des metteurs en scène, mais aussi et surtout au désir versatile du public.
Malgré le rayonnement déclinant du 7e art, l’actrice de cinéma à la fois unique dans son image et multiple à travers le prisme de ses rôles, montre une universalité issue de l’Olympe.
Descendante directe des figures de la mythologie, la star, d’une façon plus acérée parce qu’exposée, joue à la marelle sur les angles mouvants du triangle identitaire. Elle oscille en permanence sur les trois pôles qui constituent l’estimation d’un être humain : Comment est-il perçu par les autres ? Comment se perçoit-il ? Qui est-il réellement ?...
L’espace qu’entoure ce tracé géométrique représente le magma de l’existence avec son lot d’ambitions et son cortège de compromissions. Son flot de rencontres, d’opportunités, de réussites, mais aussi de projets avortés, reculés et d’échecs cuisants.
Comme chacun d’entre nous, aucune des protagonistes n’est vraiment responsable de l’image qu’elle renvoie. Même si elles s’ancrent de toutes leurs forces dans la "vraie" vie, leur vision d’elle-même dépend des hauts et des bas qu’empreinte leur carrière à l’écran. Leur marge d’action pour se maintenir à flot se heurte aux lois impitoyables de la réalité (le temps qui passe et la chirurgie esthétique pour le retenir, les étiquettes qui leur collent à la peau, la trivialité des ménages qui entretiennent malgré tout leur exposition, la peur de devenir une "has been", voire une "never been" pour les aspirantes à la comédie…).
Lorsque les héroïnes du Bal des actrices, en équilibre sur les contours du triangle invisible, se penchent et contemplent l’espace abyssal de l’existence, le film brille de son plus bel éclat. Il parvient alors à transformer les problématiques de ses personnages en une psyché non pas exclusivement féminine, mais universelle.

Hommes je vous aime

Qui dit bal, dit partenaires. Moins nombreux, les garçons du film endossent la même règle du jeu que leurs consoeurs. C’est ainsi que Bertrand Blier (qui a tourné Les acteurs), Yvan Attal et Jacques Weber jouent leur propre rôle de metteur en scène. Nicolas Briançon incarne un producteur quelque peu trouillard et pas franchement inspiré comme malheureusement il en fleurit de plus en plus. Quant au trop rare et très talentueux Georges Corraface, il campe un réalisateur intello qui se prend un gnon par une Jeanne Balibar épatante qui pète les plombs !

Mais la révélation du bal des actrices est incontestablement Didier Morville alias Joeystarr. Dans le rôle du compagnon de Maïwenn, le rappeur pulvérise avec élégance toute sa batterie de casseroles de bad boy. Papa poule, homme viril et sentimental, le biceps protecteur, la tête froide et les pieds sur terre, il faut absolument le voir dans sa carcasse à la Van Diesel en train de déblatérer des répliques dignes de Bertrand Blier. Avec la séduction de la désinvolture, toutes ses apparitions font mouche et, peu à peu, on se prend à rêver de l’épaule large et accueillante de Didier. Comme ce serait bon de s’y blottir à l’heure de la tempête… Eh oui, certains hommes sont aussi des actrices ! Un régal, ce bal.
 
benoît

 
 
 
 

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