Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L’Etrange Histoire de Benjamin Button (The Curious Case of Benjamin Button)


USA / 2008

04.02.2009
 



VOYAGE AU BOUT DE L’ENNUI

Le livre Bye Bye Bahia



“Je m’appelle Benjamin, Benjamin Button.”

L’attente était intense. La déception à la hauteur. Certes, L’Etrange Histoire de Benjamin Button stupéfie pour ses prouesses techniques. Le maquillage, la reconstitution, tout cet énorme travail sur les effets spéciaux invisibles qui font la richesse de l’image jusque dans ses moindres détails ont de quoi bluffer, voire même de monopoliser l’attention. Assurément, Fincher n’a rien perdu de son sens presque maniaque de la précision visuelle. Par contre, il a clairement perdu l’inspiration. Quand on ouvre le joli emballage, que reste t-il ? Rien. Ou pas grand chose. Le réalisateur s’est littéralement laissé dévorer par la gageure technique.

Comme pour contrecarrer les nombreux fustigateurs de Fight Club, de Se7en ou de Panic Room, Fincher avait prouvé qu’il pouvait épurer son style avec Zodiac. Ici, il démontre qu’il peut aussi faire consensuel. Dans la forme, c’est bien simple, on ne reconnaît rien de ce style brillant et osé qui a fait polémique. La caméra est discrète, académique. Aussi lisse que les visages rajeunis de Brad Pitt et de Cate Blanchett. Cela aura au moins le mérite de la cohérence : à l’instar de la réalisation coup de poing de Fight Club qui servait parfaitement son propos, celle de Benjamin Buton est en osmose avec la vacuité de son scénario.

L’ennuyeuse histoire de Benjamin Gump
Une différence qui, un comble !, laisse indifférent
D’une nouvelle de Fitzgerald, le scénariste Eric Roth a tiré presque trois heures de film. Autant dire qu’il a tellement brodé qu’on ne reconnaît rien du matériau original, si ce n’est l’idée principale – un homme vit à rebours des autres. Benjamin Button s’avère d’ailleurs bien plus proche de Forrest Gump, œuvre qui lui valut une belle réputation et une moisson de récompenses. Mais là où Forrest Gump constituait un personnage attachant et coloré, Benjamin Button se caractérise par son inconsistance. Pas beaucoup plus futé que le précédent et en tout cas totalement passif, détaché de tout, dénué de profondeur et même d’identité. Le comble pour un homme né sous le signe de l’extrême différence. Benjamin Gump traverse donc l’océan de la vie et de l’Histoire mais sans jamais prendre une goutte d’eau.
L’interprétation intériorisée de Pitt aurait pu faire merveille si seulement on sentait ne serait-ce qu’une légère progression de son personnage. Mais du début à la fin, il glisse sur les évènements avec une immuable candeur, ce qui ne laisse rien à jouer à l’acteur hormis deux expressions : l’hébétude joyeuse et l’hébétude triste. Rien ne le touche vraiment, rien ne le change, rien ne l’interroge. Pas même le fait qu’il rajeunisse. Ou que lui, blanc, ait une mère noire. Constamment spectateur de sa propre existence, ses interactions avec les divers autres protagonistes sont donc, de fait, insignifiantes, et cela en dépit du caractère épique de certains d’entre eux (la mère, l’homme sept fois foudroyé).

Le temps qui passe... L'ennui qui lasse
Pareillement, tout en flirtant avec le mode du conte fantastique le très long métrage s’ancre dans une réalité contextuelle sans jamais se mettre réellement en perspective. Là où Forrest Gump jouait intensément avec les évènements historiques et les évolutions sociales, le scénario de Benjamin Button ne retire rien de l’époque et des lieux dans lesquels il s’inscrit. Le film s’étale sur près d’un siècle mais les mœurs, les mentalités restent les mêmes, que ce soit en 1918 ou en 1998. C’est exactement comme si la ségrégation raciale n’avait jamais existé par exemple… Button vit dans un monde sans aspérité, où le singulier et le commun se confondent étrangement.

Il en découle une extraordinaire absence d’enjeu dramatique, même dans l’histoire d’amour, affligeante de banalité. Les rares scènes qui s’y prêteraient (la guerre, par exemple) sont vite évacuées et conclues avec l’éternelle morale : le temps passe, les gens meurent, rien ne dure. Ce constat, à la portée de tout individu, donne l’occasion au réalisateur de s’essayer quand même à quelques exercices de style virtuoses, mais là aussi peu inspirés. Ainsi la scène de l’accident, déclinaison de “l’effet papillon”, s’impose comme une démonstration brillante mais atrocement usée.
C’est d’ailleurs le reproche majeur que l’on peut faire au film : son manque de réflexion. A l’instar de son personnage, il se contente, au mieux, de constater et reste perpétuellement à la surface de son sujet. La peur de la mort ? Le destin ? De vagues notions récurrentes mais superficielles. On attendrait davantage d’un homme au métabolisme aussi peu ordinaire mais, au fond, ce fait constitue sa seule singularité, celle-ci ne lui apportant finalement rien de particulier. Noyé par son manque de densité, le film n’étonne même plus par ses choix narratifs incohérents tels que le rétrécissement final alors que le personnage naissait vieillard dans la peau d’un bébé. Fight Club était une oeuvre frappante, Benjamin Button un film assommant.
 
Karine

 
 
 
 

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