Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Ricky


France / 2009

11.02.2009
 



SEULS LES ANGES ONT DES AILES ?





«- Tu veux une cuisse alors ?
- Non je veux l’aile.
»

François Ozon nous immerge dans un prologue, assez bref, mais essentiel. L’actrice Alexandra Lamy est en larmes, elle craque. Face caméra ou presque. La comédienne apparaît sans maquillage, c’est un autre visage, d’emblée. Une femme en détresse sociale et psychologique : « J’ai pris un congé maladie pour m’occuper du petit. Mais j’y arrive plus ». Ce passage n’est jamais situé dans le temps, dans le film. Aucune scène n’y renverra. Au mieux, on pourra croire qu’il s’agit d’une scène qui se situerait entre le départ et le retour de Paco (Sergi Lopez, humble, sensible et présent). Pour Ozon, il s’agit surtout de convaincre le spectateur. La délurée Alexandra Lamy n’existe plus. Il s’agit d’une héroïne « loachienne ». Femme seule élevant deux enfants, résidente d’un HLM mal entretenu, travaillant à l’usine. On y croit. Elle a ce naturel, cette absence de narcissisme qui entraîne l’empathie immédiate du spectateur, sans qu’elle ne cherche à nous séduire. Elle n’est d’ailleurs ni belle, ni moche, mais banale.

Le cinéaste confirme qu’il est un peintre précis des portraits de femmes, de leurs névroses et de leurs contradictions, de leurs espoirs et de leur générosité. Comme toujours, elle sont à la fois bonnes et cruelles, dépassées par les événements et prêtes à embrasser n’importe quelle situation absurde. Ici point de mari mué en rat, point de fantôme hantant l’appartement, ni même de fantasmes romanesques. Juste un bébé différent, un monstre angélique, ou une métaphore « cauchermardesque ». Il en faut pas trop en dire…

D’autant que le scénario amène subrepticement les ingrédients nécessaires pour ne dissiper le mystère que tardivement. Durant la moitié du film, le drame social est classique : la survivance, cette fatalité qu’on subit activement. Le réalisateur soigne le cadre, épure sa mise en scène. Celle-ci varie de son maniérisme habituel (Gouttes d’eau, 8 femmes, Swimming Pool) à un aspect plus austère et réaliste (Sous le sable, 5x2, Le temps qui reste). C’est bien de Sous le sable que Ricky se rapproche le plus. Il revient à ses premières tentations formalistes, mélangeant les genres et les références. Ce conte fantastique, tragique, sur la maternité fait écho à celui sur le deuil. Les thèmes, d’ailleurs, se croisent. Les transgressions réapparaissent dans cinéma. Filmeur de l’intime, jusque dans les facettes peu reluisantes de la vie d’un bébé (cris et cacas), il pousse ses personnages dans leurs derniers retranchements en illustrant leurs désirs inconscients par des séquences brutales.

Ici le bébé pourrit la vie de toute une famille, et pourtant il est aimé, tel qu’il naît. Objet de curiosité, Ozon joue le crescendo, partant d’une trame humble à une histoire extraordinaire. Seul le dernier quart d’heure et ses maladresses montrent qu’il n’est pas aisé de relier le réel au surnaturel. L’onirisme perturbe la fluidité du récit, lent et sobre, qui vire vers une sorte d’absurde mis en images par les effets spéciaux, pas très réussis, de Buf. On préfère garder l’image de quiétude qui baigne le final, après tant de désirs avortés, de déprime assumée, de détresse affirmée, de désespoir agité. Ce deuil, comme toujours chez Ozon, n’est qu’un début.
On ne meurt jamais vraiment dans ses films. Sans doute parce qu’il croit aux anges.
 
vincy

 
 
 
 

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