Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Doute (Doubt)


USA / 2008

11.02.2009
 



L’OMBRE DU DOUTE





«- Quand vous êtes seuls, vous n’êtes pas perdus.»

Il y a deux doutes, l’un positif et l’autre négatif, qui nous hantent à la fin de la projection. Le film ne révèle rien, laissant la vérité dans les brumes du mystère, préférant nous laisser à notre propre interprétation des faits.
Mais un autre doute plane sur la réelle qualité de l’œuvre. Le script est sensationnel. Les acteurs sont exceptionnels. La photo de Deakins est admirable. Alors, pourquoi ce doute ?
Car en effet, dès les premières images de ce film comme fané par le temps, désaturé et suave, sans joie, nous succombons à un film où l’égarement, l’impuissance, le mutisme, le désespoir se confrontent à des dogmes, des ordres, une autorité malsaine. Cette solitude prégnante qui habite chacun des personnages, les fait souffrir. Murailles impénétrables ou pores perméables, ils vont tous être anéantis par la culpabilité, faute d’avoir acquis la moindre certitude. Même si une est « certaine d’une incertitude ». Le sujet trouve évidemment un écho différent dans ce couvent. La foi en Dieu résonne comme la foi en l’autre. Le doute suprême n’est-ce pas de croire ou pas en l’existence de Dieu ?

Un refus du présent
Situé dans une époque où les dogmes vont s’effondrer dans une société qui va s’éclater (dans tous les sens du terme), ce requiem est une forme de résistance à la théorie de l’évolution. Dans cette ambiance austère, l’intrigue s’avère passionnante: elle ne se résume pas à une simple histoire de rumeur publique punissable. Du refus du stylo à bille à l’obscurantisme, de la discrimination à la critique de la calligraphie « à l’agonie dans ce pays », « le monde s’écroule »… Comme aucun des deux adversaires ne lâchent, cela créé une tension qui fait oublier les failles du film…
L’oeuvre, à l’origine une pièce de théâtre, s’invite dans des genres très cinématographiques comme l’enquête policière, le jeu du chat et de la souris ou le procès. Le huis clos explore de nombreux décors pour ne pas se figer dans un lieu rarement mouvementé. Ce qui cloche c’est bien la mise en scène. La longue scène, cruciale, entre les trois acteurs principaux, est filmée n’importe comment, sans raccords ni cohérence : le découpage et les cadrages sont dignes d’un téléfilm. De même la séquence la plus intense, celle entre Viola Davis et Meryl Streep dans les rues des alentours, est un banal champ et contre-champs entre les deux comédiennes qui balancent tout leur talent.
Pourtant il y a des idées de mise en scène. Quand Streep apparaît, elle est filmée comme un serpent menaçant, une ombre crainte, sans visage, presque spectrale. « Le dragon a faim ». Ce qui change d’un Diable superficiellement vêtu en Prada. Meryl Streep est parfaitement froide et tyrannique. Et chacun de ses partenaires, de l’ambiguë Philip Seymour Hoffman, mielleux et intelligent, pédophile potentiel, ou Amy Adams, candide et généreuse, brille à son contact. Evidemment, Viola Davis, de par son personnage résigné, déterminé, cette mère qui accepte l’immoral au nom d’un futur meilleur, est la seule à pouvoir lui voler une scène, crevant l’écran sans forcer la note.

« Il y a des garçons qui aiment ça… »
La force du film n’est certainement pas dans cette réalisation trop fade pour nous impressionner et laisser une trace dans le cinéma. On se laisse davantage séduire par sa manière d’amener les nuances et les subtilités de tous ces êtres confrontés à leurs impasses et leurs certitudes, et surtout leurs erreurs d’interprétation. Il faut penser au mal pour le voir partout… De même, l’origine de ce mal n’est pas forcément née là où on l’attendait.
Doute se révèle un beau portrait psychologique, qui distinguent ceux qui préfèrent se poser des questions et les autres qui se persuadent d’avoir raison. La confiance versus la peur. Quelque soit le coupable, le monstre excessif, traditionnaliste et respectueuses des règles ou l’intellectuel faible, moderniste et corruptible, l’œil de Caïn qui trône dans l’escalier, est là pour les juger. Laissons aux humains, l’humanité. Ou le prix de leur cruauté à payer. Car « tuer le bien au nom de la vertu » n’est jamais gratuit.
 
vincy

 
 
 
 

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