Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 28

 
Frost / Nixon l'heure de vérité (Frost / Nixon)


USA / 2009

01.04.2009
 



EN QUÊTE DE CREDIBILITE





Touche à tout méthodique d’un cinéma d’Entertainement consensuel, Ron Howard, le temps d’un film, s’adonne à la revisitation politique d’une époque en filmant une rencontre télévisuelle historique – car la dernière – entre un président déchu (Richard Nixon démissionnaire en 1974 à la suite du scandale du Watergate) et un jeune présentateur anglais d’émissions populaires (David Frost). Intermède entre deux Da Vinci Code (Anges et Démons sortira chez nous le 13 mai 2009), Frost / Nixon l’heure de vérité construit une méthodologie axée sur la préparation, puis l’affrontement des deux protagonistes du film. Bien qu’au départ improbable, la série d’interview déclinée sur quatre soirées aura bel et bien lieu et battra, en 1977, le record d’audience pour ce genre d’émission.

Adapté à l’écran d’après la pièce éponyme du dramaturge Peter Morgan, Frost / Nixon tente de saisir au-delà d’enjeux politiques en définitive très peu développés, la personnalité d’un président appartenant définitivement au passé et la motivation d’un journaliste au comportement délétère. Si Nixon espère revenir sur le devant de la scène politique et voit donc dans ces entretiens, certes risqués, une opportunité médiatique indéniable, Frost ne semble pas vouloir autre chose que réussir le coup médiatique de la décennie. Simple sans être simpliste et carré sans être grossier, Frost / Nixon aiguise notre curiosité en plaçant le principe de crédibilité ou de reconnaissance au-dessus de priorités à priori plus fondamentales. Deux antagonismes, un seul et même enjeu. Pour le politique, il s’agit de se refaire une image auprès d’électeurs trahis quitte à légitimer les errements du passé. Pour le journaliste il est avant tout question d’existence cathodique que seule une émission avec l’ancien président du Watergate est à même de lui offrir.

Il n’est d’ailleurs pas surprenant de constater que le vrai parti pris du film – et donc sa principale qualité – procède du détachement inédit à toute contingence d’audimat d’un réalisateur acceptant, enfin, de proposer un axe de lecture clair et pour tout dire pertinent. En effet, il nous paraît évident que ce qui a motivé Ron Howard ne concerne ni les préparatifs des interviews – même si la visite de Frost dans la demeure de l’ancien président vaut le détour et prouve que le réalisateur d’Apollo 13 peut manier l’ironie avec finesse – ni les entretiens en tant que tels, mais plutôt l’incroyable obsession médiatico-politique des deux hommes. Sans échapper à un classicisme de bon aloi, l’enchaînement des séquences ne souffrent d’aucun temps mort et la caractérisation des personnages ne manque pas de piquant. L’ambiance seventies, les enjeux de personnalité, l’effet miroir politique / journaliste, les stratégies mises en place, le niveau des dialogues et les séquences de l’interview (notion d’espace physique et mental bien retranscrite, jeu habile avec le temps, intimidation avant le début des émissions…) concourent à faire de ce Frost / Nixon le meilleur Ron Howard depuis bien longtemps.

Loin de tirer forcément vers le haut l’idée que l’on se fait du politique voir d’un certain journalisme, Ron Howard soulève en filigrane un paradoxe implacable sur la valeur d’objectivité d’un média dont on connaît aujourd’hui l’art du détournement, de la manipulation, de la vérité scénarisée ou du sensationnalisme. Interviewer Nixon pour lui arracher des aveux ou, plus simplement, exister « journalistiquement » pose la question de la légitimité même des entretiens. Or, si l’information est nécessaire, elle ne doit pas être détournée de sa valeur première pour des raisons personnelles, de conviction hors contexte, d’opportunisme déplacé ou bien d’effet d’annonce. Le propos du cinéaste vise à développer ce paradoxe en se plaçant en retrait, comme simple observateur. Cette neutralité permet au réalisateur de ne pas commettre l’erreur du jugement moral a posteriori en choisissant ouvertement son camp. En isolant les deux personnages, pourtant entourés de conseillers qui n’ont pas forcément les mêmes objectifs de départ (l’équipe de Frost tente de faire avouer le président, l’équipe du président tente de museler le journaliste en accaparant la parole), Howard leur permet d’exister dans leurs doutes (Frost) et leurs blessures (Nixon).

Outre une direction d’acteur vraiment remarquable (Michael Sheen et Frank Langella sont impeccables), le refus de tout engagement politique de la part du cinéaste crée une dynamique de positionnement, d’arguments et de contre arguments, d’objectifs mêlés puis contradictoires développés de part et d’autre. Tout n’est pas parfait (le coup de téléphone visant à anticiper le revirement du président est pour le moins téléphoné et un brin longuet et caricatural dans sa représentation) mais il est rassurant de voir qu’un « yes man » peut, quant il n’est pas à la solde de studios avides de billets verts, réussir une pellicule paradoxalement engagée car loin de l’esbroufe habituelle des productions estivales.
 
geoffroy

 
 
 
 

haut