Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 26

 
Villa Amalia


France / 2009

08.04.2009
 



RUPTURE(S)





« - Tu l’as beaucoup aimé ?
- je l’ai aimé tout court, je l’ai aimé…
»

Villa Amalia peut indifférer ou charmer. Selon si vous êtes sensibles aux interprétations psychanalytiques, aux images symboliques, aux récits dévertébérés, se laissant porter par une femme instable, insaisissable, indécise, incertaine. Villa Amalia est un film à trois étages. Isabelle Huppert. Les hommes. Le voyage.
Benoît Jacquot ne quitte pas son actrice des yeux. Le désir de la filmer, dans tous ses états, de la transformer (jusqu’à lui couper les cheveux), se concrétise à travers ce film où le pygmalion et la muse mettent en scène leur rapport de séduction. Magnifiée au fil des scènes, Isabelle Huppert est le moteur de film nomade, conduisant le film de sa révélation dramatique à sa contemplation mystique. Un rôle qui apparaît vite comme un cadeau miraculeux pour une actrice : un changement de vie. Tout est distillé, mais cohérent. Elle a déjà changé de nom, entre sa vie d’enfance et sa vie d’artiste. Le poids lourd de la mémoire la rend presque cinglée. « Pourquoi tu veux tout quitter ? - Je ne sais pas. Je veux éteindre ma vie d’avant. –T’es un peu dérangée… »

Les hasards et les circonstances vont l’amener à réconcilier ses identités. A suivre ses pulsions et faire sauter les verrous. En quête d’elle-même, elle va se (re)trouver, dans cette Villa Amalia, sise sur île de la baie napolitaine. Jusque à cette rencontre entre une femme et un lieu, son jardin secret, Jacquot installe une tension inquiétante, une fébrilité palpable, un flou volontaire sur ses intentions. La musique de Bruno Coulais illustre à la perfection ce tempérament : une musique dissonante, à l’image des sautes d’humeurs. A l’image de ses positions et ses gestes : déséquilibrés, maladroits.

Le film vogue au gré du courant et des vagues provoquées par les tourments de cette femme déboussolée. L’eau est d’ailleurs omniprésente. La Seine en banlieue, l’étang dans une demeure de campagne, l’océan en face de la maison familiale, les lacs de montagne, la mer de la Villa Amalia, la pluie qui révèle le baiser adultérin. Tout est subconscient, même dans l’image. Prenez ce chemin de terre, sinueux, entre ombres et lumière, qui mène à la Villa. Un passage de l’autre côté du miroir, où aucun homme, sauf Anglade, un homo très discret, ne peut accéder. Car il faut bien qu’il y ait des hommes dans cette histoire d’une amitié et d’un désamour. Jean-Hugues Anglade, gardien des secrets, l’ami retrouvé, mérite un aparté. Depuis quand ne l’avions nous pas vu ? Il est le miroir idéal : serein, sage, tout aussi malade dans sa tpête, mais lui c’est physiologique. Formidable comédien, avec plus de force, d’épaisseur, « trop vieux pour les beaux mecs ». Un talent certain à faire passer l’ironie ou les nuances dans une séquence dramatique. C’est le seul homme qui va tout partager, de la première séquence aux derniers chapitres. Plus que le baiser maudit de l’amant (Beauvois, solide), la rencontre avec cet ami enfoui dans son passé va déclencher chez Huppert la véritable envie de tout plaquer.

Car c’est bien le mâle qui est la cause du problème. Pas un homo. Mais bien l’amant de quinze ans, lâche et infidèle, esclave de ses ulsions et prêt à toutes les humiliatons pour ne pas être rejeté. Ce n’est pas le bel italien, qu’on ne voit jamais que de dos, et qui n’ose pas aller jusqu’à la Villa, laissant la place à son ex amie, ouvrant la voie à une liaison lesbienne. Ce n’est pas celui qui a construit la Villa Amalia, maudite, dont on apprendra la légende par sa fille. Toujours les femmes. La mère, les amies, … Les femmes sont les complices, les hommes sont les fauteurs de troubles, sentimentaux ou financiers.

La faute au père. Le père absent. Les gènes du père dans le sang. Quand le père revient, tout se recolle. Ce père étranger, beau, lucide, coupable. Et quand elle lui passe furtivement la main sur la joue, caresse surgissante avant que l’ascenseur ne se referme, le visage de cire du vieil homme n’est plus figé, esquisse un trouble, se décompose brièvement. Ce moment incroyable de cinéma sauve tous les défauts du film… et tous les hommes.

Mais pour cet instant de grâce, il a fallu en faire des kilomètres. Le voyage utilise tous les moyens : voiture, avion, bateau, bus, train, … Car sans le voyage, il n’y a pas de vie, pas de destination. Ici ce sont les chemins de tarverse qui emmènent le personnage vers la mort de sa première vie. Des chemins infranchissables pour mieux se perdre. L’aventurière n’est pas suicidaire. « Vous semblez venir d’un autre monde » Forcément ce conte d’un monde flottant est aussi mystique : cantiques, églises, la religion n’est pas loin. Juive et catholique. C’est la fin de l’épopée : le retour au pays de l’enfance, pour refermer la porte ouverte, fracturée par les souffances, laissée ouverte pour faire revenir les absents.

Ce film de ruptures laisse alors la mer salée envahir l’écran pour cicatriser les plaies de Elianne / Ann / Anna.
 
vincy

 
 
 
 

haut