|
|
|
FILS DE PUTE
«- Nul n’est plus occupé qu’un oisif.»
Chéri était un pari plus audacieux qu’il n’y paraît pour Stephen Frears tant le livre de Colette n’a rien de cinématographique dans sa narration.
Et là se trouve l’écueil du film. On voit bien que le cinéaste maîtrise parfaitement la comédie romantique, avec ses répliques incisives entre félines, ses yeux de biches allumeurs, ces sourires aguicheurs. Mais quand le jeune Chéri se marie et s’en va, le rythme s’alanguit, l’intérêt se dissipe, le film se perd entre l’Italie, Biarritz, les rendez-vous manqués. D’autant que l’autre personnage fémini, l’épouse de Chéri, la rivale de Pfeiffer, chrétienne innocente livrée aux lions, ne remplit pas l’espace. Il est étonnant de remarquer aussi visiblement la faiblesse d’un scénario, pourtant signé du grand Christopher Hampton, qui tourne à vide dès que le duo Pfeiffer / Friend n’est plus réunit. Le mariage est un enterrement du film promis. Pfeiffer espère d’ailleurs, texto, « que le divorce sera plus gai que le mariage. » Pas plus joyeux, mais plus intense. Car sa scène finale avec ce jeune dandy apparemment détaché réveillerait n’importe quel cadavre impuissant : l’actrice déploie tout son talent dramatique, nous ensorcelle et nous avale dans sa douleur... Cet amour qu’elle doit exorciser.
On comprend bien ce qui a plu à Frears. Les joutes verbales polissées de The Queen, les grivoiseries anticonformistes de Mrs Henderson presents…, les coups de griffes des Arnaqueurs, les manigances perverses des Liaisons dangereuses. Tout y est dans Chéri.
Il y a en plus du vaudeville et du Feydaux, du conte et de la tragédie, des cocottes et des coquets. Il se régale avec les sarcasmes de suns et l’esprit des autres, qui rappelle, dans les duels etre Kathy Bates et Michelle Pfeiffer, des scènes de Ridicule (de Patrice Leconte) ou d’Oscar Wilde. Rupert Friend, pas vraiment beau plastiquement, mais diablement sexy, a quand même des yeux de sole et un teint de poisson pas frais : on a vu mieux comme manière de flatter. Le Chéri est un poisson à pêcher.
Chéri est le pendant tragicomique des Liaisons dangereuses. D’ailleurs Chéri (le film) porte mal son nom. Car Chéri (le personnage) n’est jamais qu’un « descendant » de John Malkovich (pour le cynisme) et de Keanu Reeves (pour la jeunesse). Le film aurait du s’appeler Lea de Lonval, tant Pfeiffer est le mur porteur de l’édifice. Pfeiffer, ce line évident entre ces deux adaptations littéraires françaises. Vestale virginale et pure, attisée par le désir chez Choderlos de Laclos, courtisane piquante et vieillisante, assumant ses plaisirs chez Colette. Les deux films, aussi différents soient-ils, se font écho, évidemment, mais, surtout, avec la sublime Michelle, se font miroir.
Artistiquement le film est perfectionniste. Jusque dans le choix de cet escalier alambiqué qui permet, à chaque virage, de changer de visages, en fonction des sentiments étouffés, des tourments encaissés. Cependant, le ton superficiel et léger en font un bon divertissement, où, par exemple, les deux vieilles putes que sont Bates et Pfeiffer, font des étincelles avec leurs petites vacheries entre « amies ». Soupçon de cruauté, innocence baffouée… Frears, en fait, semble plus à l’aise avec l’aspect britannique de son script (les seconds rôles burlesques, les situations cocasses) qu’avec les origines françaises de l’histoire.
Son désir de réalisateur était sans doute de regarder Pfeiffer se caresser le visage, défait par cette passion éteinte, de peur de le voir vieillir, comme Glenn Close, il y a vingt ans, se démaquillait, dévastée par la perte de Valmont et de sa réputation.
Chéri est une face B. Souvent il s’gaissait de chansons moins connues mais indispensables pour les fans.
vincy
|
|