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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Elizabeth
Royaume Uni / 1998
11.11.98
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LA DAME DE FER
"- N'oubliez pas qui vous êtes!"
L'Angleterre est à feu et à sang, luttant pour la sauvegarde de son catholicisme face à un protestantisme hérétique. Mais ici pas de place pour l'âme et a foi; il ne sera question que de pouvoir, d'amour, et de leur illustration. Elizabeth est un film historique relativement modeste, plutôt fidèle à l’Histoire (ce qui est déjà énorme en ces temps de mystifications) mais qui emballe davantage le spectateur que le cinéphile. Le scénario coincé dans les conventions du genre (la scène de lit rituelle, les histoires de complot, etc...) cherche à maintenir un suspens là où le drame historique suffit en soi pour nous garder sur le qui-vive.
Le point de vue du cinéaste peut agacer mais s’avère intéressant. Tout y est grandiloquent et même flamboyant, filmé de haut, comme pour donner un sens divin à chacun de ses plans, agrandissant les décors, réduisant l'une des figures les plus tyranniques de la royauté britannique à une simple créature piégée par son destin et cherchant à s’en échapper. Effets de style qui est appuyé (naïvement) par certaines lumières : les catholiques sont toujours sombrement vêtus dans une atmosphère sordide, tandis que l'univers d' Elizabeth est lumineux, coloré, ludique. La caméra cherche le mouvement et si les scènes sont inégales, la meilleure restera le discours sur l'église Anglicane. La dimension politique et religieuse sert de fil conducteur et semble le cœur de l’œuvre. Les effets visuels sont un peu faciles et la qualité artistique directement héritée de Bollywood pourra séduire autant que déplaire.
Mais Elizabeth, au-delà de ses défauts de « jeunesse » est le portrait passionnant d'une époque. La volonté de nous rappeler quelques faits historiques importants, même s'ils ont peu de résonnance dans notre fin de siècle, se dédouble avec l’ironie de certains personnages (les servantes). Il y a ce décalage permanent entre l’observation historique d’un point de vue actuel, lointain, et ce désir de mordre le quotidien de cette période avec des séquences très justes. Les comédiens sont aussi dans la justesse, à l'exception peut-être de Cassel qui en fait trop et Cantona qui n'est pas à sa place. De Kathy Burke à Geoffrey Rush, les seconds rôles, souvent issus du théâtre, ne nous surprennent pas mais savourent leurs personnages. Joseph Fiennes est un choix plus contestable tellement il a l’allure d’un jeune minet comparé à son amoureuse, Elizabeth, vaniteuse et mature, ici incarnée merveilleusement par une Cate Blanchett peut-être trop belle pour être la coquette bâtarde de sang royale. Mais si charismatique qu’on la croirait taillée pour le rôle et faite pour le trône.
Musique anachronique, script ambitieux, casting composite... le film fait penser à ses séries carton-pâte que l'on diffusait dans les cinémas de quartier, là où les bons sentiments affrontaient les inévitables méchants. Le tout en cinémascope pour donner l'apparence d'un grand film. Et bizarrement, ça fonctionne. Sous le vernis du spectacle se cache la brutalité du pouvoir. Glacial. Car il n'est jamais inutile de parler des excès d'une religion, surtout lorsqu'elle interfère dans les affaires de l'Etat. Une religion qui est censée être amour et qui ne doit point tuer. Une religion qui au contraire n'est que haine et meurtres, intolérance et asservissement, querelles de pouvoir et ignorance du peuple. Mais justement Elizabeth fut la première souveraine à fusionner les fonctions: on ne peut admirer qu'un mythe. Avec elle l'Angleterre s'est affranchie du pape, et est devenue la première puissance du monde. Mais surtout, féministe avant l’heure, elle porte en oriflamme ses valeurs, sans se soucier de plaire ou d’être rejetée. Le film dessine le portrait d’un pays qui se modèle à son dirigeant, et non l’inverse. Comme la pellicule épouse Blanchett plus que le sujet lui-même. vincy
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