Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 22

 
Bronson


Royaume Uni / 2009

15.07.2009
 



UN ANIMAL EN CAGE





«- C’est magique ce que je te donne à voir
- Magique ! Tu as pissé sur un gitan au fond de la cambrousse
».

Lorsque le réalisateur danois Nicolas Winding Refn (responsable de la fameuse trilogie des Pusher) décide de porter à l’écran la vie de Michael Peterson dit Charles Bronson, nous héritons d’une symphonie humaine à la violence baroque sur le plus célèbre détenu du Royaume de sa Majesté. Car le parcours du bonhomme dans l’enfer carcéral anglais depuis les années 70 méritait à coup sûr cette suite de séquences allégoriques et pénétrantes qui, par la maestria d’une caméra inventive, n’est jamais complaisante ou bien gratuite.

Le cinéaste plante le décor dès les premières images. Le corps de Charles Bronson se dévoile, nu, dans sa toute puissance de destruction. Viril, brutal, musculeux et érotique, il extériorise l’évidence d’une mise en abîme programmée comme désirée. Ce corps ne serait, alors, qu’une enveloppe charnelle d’un Moi rongé, dominé, humilié, exultant sa frénésie et, au final, sa vraie nature. Sans doute mais aussi un peu plus que cela, car si le film de Winding Refn parle de cette vedette des prisons et ce briseur de matons à travers une mise en scène immersive en deux temps nous renvoyant constamment au même constat, son approche psychologique en hommage aux films des années 60-70 est beaucoup plus subtile. Au-delà des références envers ses aînés et plus précisément à Orange Mécanique de Stanley Kubrick (1971), le cinéaste réalise un tableau aux contours imprécis sur un homme se modulant depuis sa tendre enfance par l’affrontement. Bronson se bat pour exister et, se faisant, n’a d’autre alternative que d’aller au bout de lui-même. Il ne s’agit pas d’un long-métrage sur l’état des prisons, ni sur la gloire d’un homme qui aura ébranlé avec ses poings l’administration pénitentiaire, mais d’une représentation cinématographique d’un personnage exclusif ayant, peut être, réussi à trouver un sens à une existence coupée du monde par des barreaux. Ce paradoxe est essentiel pour comprendre l’approche du cinéaste, la trajectoire du personnage et la fascination visuelle qu’il aura suscitée d’un point de vue esthétique.

Nicolas Winding Refn utilise deux formes de discours pour représenter le plus fidèlement possible sa vision du personnage. La première partie met en scène la subjectivité d’un Bronson justifiant non sans une certaine ironie son comportement et la « carrière » qu’il décide de mener en prison. L’univers carcéral devient un refuge mental vis-à-vis du monde extérieur, refuge où son appétit de gloire pourra s’exprimer dans la fureur de sa rébellion. Le réalisateur ne tombe jamais dans la facilité vulgaire de la mauvaise démonstration et préfère rester au contact de son personnage par le biais d’un découpage rythmé remplie, certes, de plans somptueux aux couleurs froides. Son parcours est implacable, comme sa violence d’opéra. L’utilisation de la musique classique sert alors de contrepoint à cette violence et anticipe le temps de la recherche artistique, source d’un autre dépassement de soi.

La deuxième partie nous plonge, quant à elle, dans un rapport différent mais peut être encore plus douloureux. Remis en liberté après 14 ans de prison, d’isolement et de centre psychiatrique, il passera 68 jours sous le regard des autres. Bête curieuse qui déçoit (incompréhension des parents à sa sortie de prison), provoque le désir (appétit sexuel de la jeune Irène impressionnée par sa force brute) ou bien l’exploitation (un ancien co-détenu organise des combats de rue), celui-ci est utilisé pour ce qu’il représente et non pour ce qu’il est. Dans tout les cas les regards sont négatifs et il n’y a aucune trace de compassion. Que fait-il alors ? Il replonge.

Pour relier ces deux parties, Winding Refn dédouble son personnage en créant un Bronson imaginaire, sorte de clown triste commentant par intermittence, son propre parcours. Sur une scène et devant un public lui aussi imaginaire, Bronson le clown nous ouvre les portes mentales de Bronson le détenu. Nous devinons un personnage complexe, attiré par l’art, l’écriture et la confrontation en quête de vérité. La dernière scène, somptueuse, délivre cette vérité dans la fascination de sa propre mise en scène. En définitive, Bronson aura dû œuvrer avec son corps pour découvrir une expression salutaire différente de ses exploits pugilistiques. Porté par un Tom Hardy époustouflant de fureur magnétique, Bronson est un portrait brillant en forme d’uppercut qui en bousculera plus d’un.
 
geoffroy

 
 
 
 

haut