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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Brüno
USA / 2009
22.07.2009
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DES BOBINES BIEN BURNEES
"Je deviendrai la plus grande star autrichienne depuis Hitler"
Fort du succès de Borat, qui réussit en 2006 à faire des remous jusque dans les hautes sphères du pouvoir Kazakh, Sacha Baron Cohen adapte pour le grand écran un autre de ses personnages, le fantasque et délirant Brüno, styliste autrichien portant haut l’étendard de son homosexualité décomplexée. Première constatation, l’effet de surprise n’est plus là, et Brüno semble par moment une redite survitaminée de Borat. Moins bien écrit et plus approximatif que le film précédent, il juxtapose en effet de manière un peu trop systématique des saynètes en formes de sketches qui n’ont guère de lien les unes avec les autres. Comme pour compenser, il va aussi beaucoup plus loin dans la provocation et le propos trash. D’où la seconde constatation : si l’on déteste d’ordinaire l’humour acide et sans concession du comique, mieux vaut passer son chemin. Par contre, si l’on adhère, alors il y a de quoi pleurer de rire, et surtout ouvrir des yeux grands comme des soucoupes en répétant, comme pour mieux s’en convaincre : "ce n’est pas possible, il a osé !"
Car, oui, Sacha Baron Cohen ose. Mieux, il dynamite tout ce qui ressemble de près ou de loin à du politiquement correct, et attaque avec la même hargne les ligues bienpensantes, l’homophobie, la bêtise crasse, l’intolérance, la manipulation médiatique et le cynisme ordinaire. Parmi les séquences les plus réussies, on retiendra celle de la décoloration anale, pas classe pour un sou, la scène de sexe ultra-hot entre Brüno et le spectre de son amant (le tout dans un cabinet de médium), un casting de bébés où une dame apprend avec un pur ravissement que sa petite fille incarnera un nazi poussant des enfants juifs dans un four et enfin la tentative, louable, de régler une bonne fois pour toute le conflit israélo-palestinien. Quel dommage que notre héros confonde hamas et houmous, ça y était presque !
Sacha Baron Cohen a depuis longtemps décidé (et prouvé) que l’on peut rire de tout et surtout de soi-même. Pas sûr que les Américains mis en boîte à leur insu dans le film en pensent autant : les premiers procès ont commencé à pointer leur nez avant même que le film ne soit sorti. Logique, car si l’on peut traiter l’acteur de provocateur gonflé, ce sont principalement ses interlocuteurs qui apparaissent sous leur plus vilain jour d’homophobes, de mauvais parents ou de profiteurs dépourvus de conscience. Une fois encore, Sacha Baron Cohen ne fait que renvoyer l’image qu’ils ont envie de voir, si caricaturale et dévoyée qu’en toute logique, ils devraient deviner le piège… Qu’ils ne le voient pas fait tout le sel du film, mais interroge également sur la part de manipulation qui entre en jeu. Dans quelle mesure le comique choisit-il ses "victimes", quel pourcentage refuse de tomber dans ses pièges, comment démêler les "complices" des autres… ? Attention, donc, à ne pas prendre pour argent comptant tout ce que le film entend dénoncer.
Cela dit, à plusieurs reprises, on craint réellement pour la vie de l’acteur qui n’hésite pas à donner de sa personne, qu’il s’agisse d’exhiber des photos pédophiles dans un show télé ou de révéler son homosexualité devant une salle chauffée à blanc d’homophobes convaincus… On l’avait bien compris : Sacha Baron Cohen n’a peur de rien ! Et si, un jour, son humour trash et son obsession de l’excès risquent bien de le perdre (au propre ou au figuré), il n’en demeure pas moins l’indispensable contrepouvoir urticant et libertaire qui bouscule sans ménagement notre époque confinée dans l’ennui, l’insipidité et le politiquement correct. Parfois, ça fait du bien d’avoir mal !
MpM
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