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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The September Issue
USA / 2008
16.09.2009
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AMAZING GRACE
«- Les photos nettes ont la cote ces jours-ci. »
La mode est un autre monde. « Notre monde » pour les petites fourmis et a reine des abeilles de Vogue Magazine. Là où se niche Le diable, qui, on le sait, s’habille en Prada. Anna Wintour contre-attaque avec The September Issue, documentaire sur la fabrication du numéro de rentrée de Vogue. Presque neuf mois de gestation pour pondre un pavé de 700 pages. Alors le Diable est-il si diabolique ? Non, certainement pas. Il y a une part humaine en Anna. Même si son statut en fait plutôt une déesse, impassible dans ce milieu qui rend tout le monde si nerveux. Anna est le Pape de cette église, avec sa bible en permanence à l’esprit. Anglaise bien élevée, réservée, elle diffuse un peu de chaleur, quelques sourires, des petites remarques attentionnées. Mais elle dirige tout cela d’une main de fer. Une patronne. Qui sait ce qu’est le business, discutant aussi bien avec ses boss qu’avec ses annonceurs ou la grande distribution, les couturiers ou les marques de prêt-à-porter. Un job qui n’est pas seulement artistique…
Mais ici nul manteau jeté sur le bureau de la secrétaire, aucun sac balancé par terre, pas d’humiliations psychologiques. Juste des décisions nettes, sèches, sans états d’âme. Le magazine dicte sa loi, et Wintour en est le Juge suprême.
On lui doit les réputations de Jean-Paul Gaulthier ou Tom Ford, la création d’une pépinière de stylistes new yorkais, ou encore la mutation des célébrités en top models. Son impact sur l’ensemble du secteur peut toujours paraître démesuré, son magazine peut sembler superficiel, il n’empêche, cela génère des millions de dollars… En petit polo Lacoste, chez elle, Wintour lève peu le voile sur son intimité, ses angoisses. Elle parle peu. Tout juste évoque-t-elle son départ « le jour où elle sera en colère ».
Alors, naturellement, le documentaire, qui ne montre pas grand-chose de neuf sur le milieu des média sou celui de la mode, révèle un personnage de l’ombre. Grace Coddington, directrice artistique du magazine. Elle efface toutes les autres figures, ces seconds-rôles pourtant abondamment médiatisés comme le burlesque-malgré-lui Andre Leon Talley. Comme si Grace était le double lumineux, créatif, généreux, suave, ludique d’une Anna Wintour un peu froide, un peu calculatrice, trop « carapacée » pour que l’on éprouve la moindre empathie. Tandis que Miss Coddington, elle, attire immédiatement la sympathie.
Cette ancienne mannequin arrivée dans le magazine américain en même temps que sa chef, invente de véritables tableaux, quand ce ne sont pas des œuvres d’art, grâce à son imagination et son érudition. Inspirée, elle peut créer des univers aussi différents que le Paris de la belle époque qu’une séance ludique où elle sait d’avance ce que Photoshop permettra d’obtenir sur le papier glacé. Sa personnalité en fait celle qui vole la vedette.
Grâce à elle, Vogue est une mine d’inspiration pour les créateurs et les lecteurs. Anna en est admirative. Mais si Wintour est une parfaite chef d’orchestre, trop pudique pour être autre chose qu’une Garbo fantomatique à l’écran, Coddington est la soliste qui émerveille, au gré de ses flous artistiques et de ses petits plaisirs communicatifs qui gomment vite les tracas que lui cause son Diable.
vincy
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