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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Informant!
USA / 2009
30.09.2009
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TAUPE SECRETS
«- Ces gens n’ont donc pas vu « La firme » ni lu le roman ? Tout y est. »
Soderbergh n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. Diptyque sur le Che, film expérimental façon Bubble avec son Girlfriend Experience et donc The Informant !, dernier film du cinéaste avec Matt Damon dans le rôle principal. Cette frénésie de cinéma – les trois films suscités seront sortis en 2009 –, sans être condamnable, n’est pas forcément gage de qualité. Si le mélange des genres est évité, Soderbergh s’entête à pointer du doigt les dysfonctionnements d’un capitalisme fou. Ainsi ses personnages, qu’il soit révolutionnaire, prostituée, enquêtrice pour un cabinet d’avocat ou bien cadre supérieur servant de taupe pour le F.B.I, motivent une narration mue par leurs seules actions. De ce fait, ils deviennent des porte-paroles idéaux pour un cinéaste s’amusant à construire ses films autour d’individus subissant, dénonçant ou explosant le système en place.
l'usage du Damon
Sans être son meilleur film, The Informant ajoute une pierre supplémentaire à la réflexion du cinéaste par la personnalité même de Mark Whitacre (Matt Damon), cadre supérieur du géant américain de l’agroalimentaire AMD (Archer Daniel Midlands) ayant décidé de dévoiler, à sa façon, les pratiques frauduleuses de son employeur.
Soderbergh aime à coup sûr les contextes changeant où tout ne serait qu’une question de perception. Si la vérité n’est pas immédiate, elle s’immisce par touche successive et contradictoire au fur et à mesure que l’histoire prend forme. Habile, le cinéaste dénonce le système par l’intermédiaire d’un homme peu fiable naviguant entre sincérité, magouille et mensonge. Dans ce jeu de coopération avec les autorités, l’art de la dissimulation ou de l’information délivrée au compte goutte devient la marque de fabrique d’un homme traversé à la fois de crainte et de certitude. Le cinéaste use et abuse des déclarations de son personnage principal pour alimenter une histoire vraie elle-même déclinée dans un faux rythme de feuilleton télévisé. Pour le rôle, Matt Damon a pris 13 kilos, porte une moumoute et de faux implants dans la mâchoire. Comme à son habitude son jeu est précis, sincère dans ses exagérations, hilarant devant son amateurisme de taupe manipulatrice jouant avec le feu.
Si le canevas reste très classique – Soderbergh évitant heureusement le schéma ascension/chute – il s’avère ironique, distant et surtout incongru. La mise en scène, vraiment pépère, est maligne car elle prend ses distances avec ce cadre modèle au service du F.B.I pendant deux ans et demi afin d’éviter une quelconque prise de position. Ce non risque artistique s’avère tout aussi original qu’il est frustrant. Alors oui, la farce est grosse et les ficelles aussi. Le film apparaît étrangement neutre, comme si Soderbergh ne voulait pas trancher entre le film d’espionnage industriel, la comédie légère et le brûlot politico financier. Le ton de la comédie à l’humour pince-sans-rire domine les débats, à l’image des deux agents du F.B.I aussi expressif qu’une momie.
Un petit jeu schizophrène
Il n’est donc pas surprenant de constater, une fois encore, l’utilisation de la caricature. Tout est vraiment exagéré (malgré une mise en scène très lisse) et tout le monde en prend pour son grade. Mark Whitacre et son épouse, les dirigeants de AMD et les agents fédéraux. Le conte moral pour adulte où les méchants ne sont pas forcément ceux que l’on croit n’est plus très loin. Sauf que voilà, Soderbergh accélère l’allure en fin de parcours, démonte un système huilé où le plus petit dérapage est monnaie courante. Mieux, il rend les agissements de Whitacre presque acceptables car eux-mêmes corrompus par ce satané système. Faux rythme, vraie dénonciation ? Sans doute. D’ailleurs, l’utilisation de dialogues à rallonge traversés par la voix off de Mark Whitacre se superposant aux paroles des différents protagonistes, n’est pas innocente. Elle nous fait entrer dans le petit jeu schizophrène de Damon en minimisant, de fait, la valeur de vérité d’une telle affaire. Pour perdu, peu importe la façon dont les gens sont bernés, manipulés, broyés, exploités. Dans ce jeu de vérité – mensonge d’un homme, le réalisateur s’essaye à la satire un peu facile, ronronnant car inoffensive.
Si l’écriture s’avère aussi drôle que décalée, on se demande tout de même si nous assistons à une lecture subtile d’un monde en implosion ou, c’est fonction de votre humeur, à une nouvelle fumisterie cinématographique du cinéaste de sexe, mensonge et vidéo.
geoffroy
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