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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La nana (la bonne)
Chili / 2009
14.10.2009
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DOMESTIQUE AU BORD DE LA CRISE DE NERF
«- A continuer comme cela, tu vas aimer personne»
Le premier long métrage du chilien Sebastian Silva a raflé de nombreux prix et pas des moindres : grand prix du Jury du meilleur film étranger et Prix spécial du Jury de la meilleure actrice au festival de Sundance 2009 ; Prix du public au festival Paris cinéma 2009. Cette reconnaissance critique comme publique salut, à raison, un petit film d’auteur intelligemment construit autour d’un personnage à la psychologie torturée en manque d’amour et d’amour propre. Tourné en vidéo numérique, la Nana nous plonge dans un quotidien à la fois angoissant, drôle, émouvant et dur.
Raquel a 40 ans et travaille depuis 20 ans au service d’une famille de la haute société chilienne. Alors qu’elle est considérée comme un membre de la famille à part entière, Raquel, sans doute engluée dans sa propre routine, ne trouve plus de point d’équilibre et s’enferme dans un mutisme de plus en plus douloureux. Pire, elle s’est fabriquée au fil du temps une vie par procuration. Logée sur place, elle répète inlassablement les mêmes gestes et les mêmes postures reproduisant ainsi les mêmes journées au point d’avoir tiré un trait sur sa vie privée. Cette négation d’intimité, retranscrite avec lucidité par le cinéaste, s’appuie sur la description d’un quotidien tendu, répétitif et proche de la saturation à même de décupler la dramaturgie d’un personnage à la névrose grandissante.
La domestique se détache petit à petit de sa famille « d’adoption », refuse d’avancer vers l’émancipation et, comme en témoigne ses peluches alignées sur son lit, devient une vieille fille coupée de tout lien social, qu’il soit affectif ou sexuel. La peur d’un abandon la prend aux tripes pour devenir paranoïaque quand la maîtresse de maison décide, afin de soulager la charge de travail de celle-ci, d’embaucher une deuxième bonne. Une telle intrusion, jugée comme inacceptable par l’intéressée, accentuera le trouble psychologique d’un individu dépendant de sa condition. Elle permettra également au réalisateur d’introduire des éléments extérieurs, miroirs grossissants des différentes angoisses d’une femme refusant de vivre pour elle-même. Le portrait, jamais misérabiliste, est touchant à plus d’un titre. Entre l’étude sociologique d’école et le naturalisme des scènes aux plans proches des corps, la Nana scrute les relations entres les membres d’une même famille par le prisme d’une femme à la souffrance sourde.
Figure romanesque, car désespérée, d’un cinéma du réel pointant l’importance des rapports sociaux, Raquel transporte sa tristesse d’une pièce à l’autre de la maison comme un fardeau. En acceptant de partager les tâches avec la jeune Lucy et sa bonne humeur communicative, elle se lestera d’un poids au cœur devenu trop lourd à supporter. Et son visage, porté par une Catalina Saavedra éblouissante de justesse, esquissera enfin un véritable sourire.
geoffroy
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