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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'enfer
France / 2009
11.11.2009
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LE RETOUR A LA VIE
«- Là on était un peu hollywoodien sur les bords.»
« L’éternel regret ». Cela commence ainsi, avec un sentiment non pas d’inachevé, mais de gâchis, d’impossible faisabilité. L’Enfer est un documentaire aussi hallucinant que son sujet, le film inabouti d’Henri Georges Clouzot. Un voyage hallucinant où les fantômes renaissent sous nos yeux comme dans un kaléidoscope. A la fois portrait d’un cinéaste et reportage rétroactif sur un projet aliéné dès ses origines, ce « Lost in le Cantal » comme il y a eu un Lost in la Mancha montre à quel point l’infinie liberté n’existe pas dans le 7e Art. Les contraintes emprisonnent vite le cinéaste dans un défi impossible à relever. Fascinant, ce document l’est pour de multiples raisons. D’abord parce qu’il s’agit de montrer les limites du cinéma. Elles existent, qu’elles soient humaines (psychologiques ou physiques) ou techniques. C’est aussi l’occasion de voir des bribes de ce film jusque là invisible. Renaissance incomplète, presque frustrante, mais salutaire. Et puis, évidemment, L’enfer hypnotise le spectateur parce que ses réalisateurs ont su nous hypnotiser avec le visage radieux et sublime, ou sublime et radieux, de Romy Schneider. Même sans le son, elle impose une présence charismatique, en pleine jeunesse, avec une beauté presqu’insolente.
Clouzot avait cherché à réaliser une œuvre absolue. Quittant son classicisme pour rejoindre les traces d’un cinéma qui émergeait, notamment avec Fellini et Antonioni. Un film quasiment expérimental avec un budget démesuré d’un blockbuster. Un scénario sur le fantasme et le visage monstrueux de la jalousie avec Reggiani et sa tête de marron sculptée. Mais aussi un décor à couper le souffle, quelques semaines avant la montée des eaux et l’ouverture d’un barrage à proximité.
Clouzot est clairement cité comme le premier responsable de ce naufrage. Après avoir élaboré toutes sortes d’innovations en termes de sons, de pellicules, de chromatiques, de maquillages, il semble bloquer une fois sur le plateau. Incapable de déléguer, de gérer une équipe pléthorique et dispersée. L’enfer, titre du film, devient en effet ce que vivent les équipes sur place. Le tournage devient maudit.
Le coït optique dont Clouzot rêvait va s’interrompre avec l’infarctus du cinéaste. Le perfectionnisme s’est mué en démon. Et seule Schneider semble encore libre, mutine, sensuelle dans cet univers qui se délabre.
Le documentaire, entre témoignages, souvenirs, séquences inédites, tourbillonne jusqu’à devenir un remix psychédélique où le visage de la star défile comme un tableau wharolien en mouvement.
Seules les interventions, compréhensibles mais maladroites, de Jacques Gamblin et Bérénice Béjo, nous empêchent d’aller jusqu’au vertige. Mais grâce à cet éblouissant cauchemar, Serge Bromberg et Ruxandra Medrea permettent à ces pellicules retrouvées par hasard d’entrer dans la légende du cinéma. Une réalité éternelle.
vincy
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