Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Capitalism : A Love Story


USA / 2009

25.11.2009
 



BRAQUAGE A L’AMERICAINE





«- Michael Moore voudrait voir le PDG !»

Capitalism : A Love Story porte bien son titre. Le film est en effet l’histoire d’amour entre un documentariste activiste et un sujet dont il ne pourra jamais se lasser. Un amour éternel, en quelques sortes. Un amour vache aussi. Ou plutôt un désamour permanent. Le cinéaste Michael Moore n’a rien changé à son style, mais le « politicien » qu’il est a perdu de sa passion. Capitalism : A Love Story est un bilan, comptable autant qu’idéologique. Michael Moore revient sur vingt ans de combats contre cette machne infernal qui broie les individus. Avec une triste conclusion : il se sent bien seul dans sa lutte. Il a beau mettre en scène avec un certain ludisme sa dénonciation du système, il ne s’amuse plus. Il manque de compagnie. Du coup, il revient avec nostalgie sur son passé. Un homme qui détient un nombre incalculable d’armes nous renvoie à Bowling for Columbine. Sa vieille marotte, George W. Bush dont il continue de tirer le plus drôle, comme dans Fahrenheit 9/11. Un clin d’œil à Sicko avec une critique de l’implosion des frais de santé. Tout le film accuse les mêmes corporations qui étaient au cœur de The Big One. Mais surtout, Iil revient sur les lieux de son premier crime, Flint. Il réinsère une interview de Roger et Moi, où le P-DG de General Motors, il y a vingt ans, lui annonçait froidement le destin des usines automobiles de la région. Moore n’avait pas ét écouté, voire cru. En démontrant que l’Histoire lui a donné raison, il essaie un dernier baroud d’honneur pour soulever les masses.

Reflet de notre époque : la résistance d’une petite partie du peuple se mélange à la résignation des masses, l’agitation des responsables se complait d’un Etat démissionnaire. Moore oscille entre déprimer et espérer.

Le déclin de l'Empire américain
Le premier constat est lucide : le déclin de l’Empire Romain s’apparente en tous points à celui de l’Empire Américain. Richesses, misères et décadence. Le collage est habile entre un vieux docu de la BBC sur la Rome Antique et l’Amérique actuelle. Michael Moore exprime clairement qu’il n’est pas un trublion chargé de nourrir YouTube et de faire rire dans les open spaces. Il prend les choses au sérieux. Son film se teinte de noir. Il y a moins de gags, de bricolages divertissants, moins de farce.

Devant la caméra, les Américains se divisent. Il y a ceux qui payent leurs factures, et les autres, expulsés. « C’est une partie de mon héritage qui s’en va ». La police est là pour chasser les mauvais payeurs, le menuisier pour condamner les portes et les fenêtres. Loin de leurs missions d’origine, non ? Disparition silencieuse de la classe moyenne, villes abandonnées, industrie détruite. Ceux qui n’ont rien se révolteront-ils un jour contre ceux qui ont tout, c’est-à-dire une infme minorité ? Dans un pays où « tout le monde veut profiter du malheur des autres », les vautours sont rois. Décennie après décénnie, l’ère du New Deal a succombé aux attaques de la finance. Les impôts pour les riches sont devenus inexistants quand avant ils financaient hôpitaux, barrages, écoles… Le principe même de solidarité est anéanti. Roosevelt avait bien décrit en détail ce qu’il fallait faire – une deuxième déclaration des droits de l’homme, mais avec l’aspect économique – mais sa mort précipitée aura tuée l’idéal dans l’œuf. La réduction fiscale accompagne la régression sociale. Les trente glorieuses, et le rêve américain (y compris sa propagande) se sont éteints avec la crise économique, l’arrivée de Reagan, la fin de la guerre froide. Cela a donné le naufrage de La Nouvelle rléans sous les assauts de l’ouragan Katrina. Ou encore la faillite financière des plus grosses insitutions bancaires du pays. Désormais des pilotes de lignes doivent vendre leur plasma pour rembourser leurs prêts étudiants ou leurs crédits qui s’accumulent.

Une époque formidable
Il y a bien eut des signaux, des paroles, des gens, comme le Président Carter, pour le dire. Mais on n’aime pas les rabat-joie. On préfère le rêve. En fait l’illusion. Et Moore a raison de pointer sa caméra sur les trente pas glorieuses dernières années. Le sujet peut être universel : au Japon comme en France, il y a confusion des genres entre les hommes nommés dans les hautes administrations et ceux qui sont dans les conseils d’administration. Démantèlement de l’outil de production, course aux profits, démembrement des syndicats, licenciements massifs, stagnation des salaires, explosion des crédits, et des faillites, dogme de l’action comme seule valeur monétaire de référence. Pas besoin de s’appeler Besancenot pour comprendre que cette formule va dans l’impasse.

Cela va jusqu’à l’exemple édifiant (et terrifiant) où un employeur se fait de l’argent sur ses employés qui viennent de mourir. Ainsi Wal Mart qui gagne 81 000$ en ayant souscirt une assurance spéciale grâce au cancer fatal d’une femme. En revanche le mari lui a du débourser 106 000$ de frais d’hospitalisation et d’obsèques.

Mais voilà, on a beau le hurler, le montrer, ou le démontrer, Moore est lucide : 20 ans de boulot pour rien. Le déficit n’est pas que du côté des chiffres, il est aussi du côté des idées, des lois, des compromis.

Moore veut quand même garder la foi. Mais même les prêtres et les évêques considèrent le capitalisme comme un fléau immoral, un péché véniel, le mal incarné. Alors pourquoi au pays de Jésus et de Dieu (même sur les dollars), on en vient à épouser le diable ?

Parce que ce pays (mais ce raisonnement s’applique à de nombreuses démocraties occidentales) est devenu une fausse démocratie, dirigée par 1% des foyers, une sorte d’aristocratie managériale. La seule chose que craignent ces possédants, c’est que les possédés se révoltent. Moore s’aligne ainsi sur le populisme éclairé, celui de Robespierre et flaubert plus que celui de Barthes, où le peuple est bon et veut son bien, et non pas être flatté en se faisant voler. Moore n’est pas tendre avec l’emprise de Golden sachs, la lâcheté des élus : « ils utilisent la peur pour obtenir satisfaction » dit l’un d’eux en parlant de ces mastodontes de la Finance qui ont conduit le système à la faillite. Ils ont opéré un coup d’Etat financier : 700 milliards de prêts, sans aucune contrepartie. L’argent du contribuable. Bingo. Le peuple, crédule, accepte sans sourciller, mais refuse de financer un système de santé commun. Cherchez la logique.

Collisions
Il est regrettable que le raisonnement du réalisateur esquive le problème du consumérisme comme moteur unique de la croissance économique. Car une grande partie de ces citoyens qui ont voulu accéder au rêve américain ont cumulé les crédits, dettes, emprunts, hypothéquant leur maison. Et pour quoi ? Consommer, sans se soucier de l’écologie au passage ? Et tout cela sert à quoi ? Le documentaire aurait mérité aussi de se pencher sur un peuple dont l’existence de plus en plus vide se comble avec des objets, des voitures, des nouvelles technologies…

Habile pour l’attaque, moins pour la proposition ?

Heureusement la caméra du documentariste, cherche de nouvelles voies, de nouvelles voix, des compagnons en souffrance, de résistance. Il va dans les nouvelles entreprises : les coopératives, celles où les ouvriers réclament leurs droits, leurs acquis quand il y a faillite, là où les employés font sit-in. Solidarité et communautés. On en vient à squatter ses propres maisons. La rebellion bourgeonne et l’élection d’Obama vient donner un peu de lumière à ce portrait d’une Amérique malade. Illumination qui serait alors un chant du cygne pour l’Empire, ou véritable messie d’une nation ingérable car trop fragmentée ?

Cette œuvre sur la dégradation du monde, sur la cupidité fatale des individus, ne parvient pas à guérir le mal être du cinéaste. Metteur en scène de sa propore résistance, se rêvant Chaplin, et caricatural comme un Guignol, Moore l’avoue : « J’en ai un peu marre de faire ça. » Combien d’hommes en colère ? Combien d’unions face à toutes ces divisions ? Capitalism : A Crash Story. Voilà le vrai titre de ce film.
 
vincy

 
 
 
 

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