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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Box
USA / 2009
04.11.2009
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MAL ADDICTION
«- Vous avez 24 heures. »
Richard Kelly, jeune prodige du cinéma américain, a « troqué » ses visions psychédéliques d’un Southland Tales planant mais hermétique, au profit d’un film de « commande » accessible du grand public. Bien lui en a pris car The Box est une réussite incontestable, mélange fascinant de thriller opaque et de fantastique malicieux. Mieux, sa mise en scène millimétrée construit des situations équivoques en décortiquant les troubles d’un couple ébranlé à la suite d’une décision lourde de conséquences. Véritable hommage au cinéma fantastique des années 50 comme de la série La Quatrième Dimension, The Box approfondie la nouvelle de Richard Matheson (Le jeu du Bouton publiée en 1970 dans le magazine Playboy) pour nous offrir une histoire aux multiples ramifications qui dépasse de loin la question initiale soulevée par l’auteur. Allégorie sur la fin du monde – thème récurent depuis son premier film, Donnie Darko –, le film de Richard Kelly ne tombe jamais dans le piège facile de l’esbroufe, du twist final préparé dix bobines plus tôt ou de l’excès visuel tape à l’œil. En prenant son temps, il installe une atmosphère (tendue), élabore un rythme (échevelé) et propose une densité narrative à même d’alimenter ses thématiques. Sans coup férir, le réalisateur réalise un classique instantané dans la lignée de L’invasion des profanateurs de sépultures du maître Don Siegel.
Intriguant, le pitch de départ est aussi très malin. Un après-midi, Arlington Steward, personnage énigmatique au visage mutilé, sonne chez les Lewis, couple tranquille d’une petite ville des Etats-Unis, et leur propose une offre étrange prenant la forme d’une option en lien direct avec la boîte munie d’un bouton poussoir qui a été déposée le matin même chez eux. Pousser le bouton revient à gagner un million de dollars, mais condamnera une personne à la mort. Ne rien faire, c’est perdre le million mais sauver une vie innocente. L’entame, très hitchcockienne dans sa mise en place, pose les conditions d’une décision psychologiquement complexe, source des évènements à venir. Ainsi, rien n’est laissé au hasard : cadre historique des seventies propice aux manifestations surnaturelles, personnages principaux largement autobiographiques s’avérant remarquablement bien ancrés dans leur époque (le père de Richard Kelly a réellement travaillé pour la NASA), raisons de la tentation (argent, scolarisation de leur enfant, nouvelle vie hors de la ville), malformation physique de Norma faisant des Lewis un couple à part, irruption d’Arlington Steward comme le signe d’un destin à double tranchant.
Richard Kelly place le couple en face d’un cas de conscience facilement transférable. Doivent-ils ou non appuyer sur le bouton ? De cette action découlera une suite d’évènements tenant lieu de réflexion métaphysique sur la place de l’homme dans le monde. Car même pétri de bonnes intentions, peut-on avoir le droit à la défaillance, a-t-on une chance de se sauver, comment vivre face au doute ou à la culpabilité, et comment se comporter devant l’inéluctable ? Par ces nombreuses questions, le cinéaste nous emmène aux confins de l’âme humaine en tissant une dramaturgie, certes « commerciale », mais terriblement bien construite. Pour preuve, l’installation de zones d’ombres et de lumières tout au long du film. Elles favorisent la part interprétative du spectateur devant les évènements vécues par Norma et Arthur qui se demandent s’il s’agit d’un rêve, d’une expérience malsaine, d’un complot diabolique ou d’une démence programmée. Huis-clos mental d’une efficacité sans faille, The Box questionne le rapport entre le besoin d’évasion, la tentation d’une vie meilleure, le passage à l’acte et la possible rédemption dans un thriller fantastique en référence aux années 70/80 (Eraserhead de Lynch, La Malédiction de Donner, Le Sacrifice de Tarkovski). Echapper à son destin ne serait qu’une illusion, même s’il n’est pas interdit d’essayer d’en changer le cours. Soit le choix courageux décidé par Norma et Arthur.
Le cinéaste élabore une structure narrative tendue de bout en bout, parsemée de moments d’angoisse, à la recherche d’un équilibre spatio-temporel toujours sur la brèche où les éléments constitutif à l’histoire rentrent en résonnance (cadre / proposition / choix / conséquences / investigation / bouleversements / dénouement). Les évènements s’enchaînent sans discontinuité et le spectateur est embarqué vers une expérience sensorielle mettant à mal ses propres convictions. Ici, pas de surenchères ni d’exagérations visuelles. Juste une maîtrise du cadre entre les espaces (intérieur/extérieur, physique/mental) à même de retranscrire le bouleversement en marche. Les effets sonores, privilégiés à toute arrogance de mise en scène, accompagnent la suggestion, favorisent l’immersion, focalisent notre attention. Dans les rôles de Norma et Arthur Lewis, Cameron Diaz comme James Mardsen sont impeccables. Leur amour, leurs désirs et leurs détresses nous touchent profondément, tout comme la relation qu’ils entretiennent avec l’énigmatique Steward, campé par un très grand Frank Langella.
Ponctué par quelques scènes virtuoses (moment du choix; dîner de mariage ; dans la bibliothèque ; du camion ; final ahurissant de tension sourde), The Box associe brillamment le thriller au surnaturel, la Science-fiction au drame. Pour son troisième opus, Richard Kelly nous offre une réussite indéniable dans un genre pourtant réputé comme difficile. Il ne s’agit pas d’un mince exploit.
geoffroy
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