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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Paranormal activity
USA / 2006
02.12.2009
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GHOST
"Je le sens. Il me regarde."
Jouant principalement la carte de la suggestion, Paranormal activity se présente comme un huis clos anxiogène dont la simplicité scénaristique et le dépouillement de mise en scène rendent parfaitement crédible l’aspect purement documentaire. L’absence d’effets spéciaux spectaculaires (il faudra se contenter d’une porte qui se ferme toute seule, de traces de pas sur la moquette et d’un drap qui se soulève tout seul) renforce cette impression de réalité, et parvient paradoxalement à créer une impression plus forte sur le spectateur.
D’autant que le réalisateur joue sur des peurs irrationnelles qui remontent à l’enfance en situant la plupart des séquences effrayantes de nuit, lorsque les protagonistes ne sont pas éveillés. Dans de larges plans fixes faussement neutres, il filme le couple en train de dormir pendant que quelque chose d’invisible semble se rapprocher de leur lit. Il se crée ainsi un contraste terrifiant entre leur position d’abandon et les dangers qui les menacent. Une situation a priori extrêmement banale (car partagée par tous) qui force le sentiment d’identification. Or les films d’horreur ne sont jamais aussi efficaces que lorsqu’ils sont soigneusement ancrés dans notre quotidien, nous empêchant inconsciemment de poser une barrière stricte entre fiction et réalité.
Cette sobriété qui confine à l’épure rend Paranormal activity accessible à un public plus large que les films d’horreur traditionnels. Toutefois, sa structure de vrai-faux témoignage vidéo n’est pas seulement un prétexte scénaristique, mais bien un élément primordial qui permet de déceler le second degré du récit. En effet, l’obsession du personnage masculin de filmer tout ce qui se passe dans la maison évoque une forme parallèle de harcèlement. A la présence inquiétante et invisible de "l’esprit maléfique" répond l’omniprésence de ce regard indifférent mais implacable qui épie les personnages jusque dans leur intimité la plus secrète. Le jeune homme ne sait plus quand arrêter de filmer, et se prend au jeu d'une surveillance permanente qui dépasse largement son but premier.
Pourtant, le statut de la caméra est totalement équivoque : gardien fidèle veillant au cœur de la nuit, bien que totalement impuissant, mais aussi voyeur assoiffé d’images, manifestation physique de l’incrédulité de Micah face aux apparitions, et finalement provocation à l’encontre de "l’esprit" qui se manifeste plus régulièrement et de manière plus violente lorsqu’il sait être filmé. Pendant un temps, on est même tenté de croire que les "manifestations" ont une explication parfaitement rationnelles, comme une farce imaginée par l’un des deux personnages à l’insu de l’autre, ou encore que ces manifestations n’existent pas : une porte qui claque, un trousseau de clefs sur le sol… Les "preuves" sont si minimes que les deux protagonistes donnent l’impression de se monter la tête.
La gradation dans la gravité et la violence des faits, simultanée avec le renforcement du rôle de la caméra, fait toutefois réfléchir sur le pouvoir immodéré des images qui donnent une réalité tangible à ce qui sans cela n’en aurait pas, et poussent à la fois celui qui filme et celui qui est filmé aux pires extrémités. Cette culpabilité partagée donne alors à l’évolution de l’intrigue (et surtout à son dénouement, bien que celui-ci soit une demi-déception) une profondeur et un relief qui vont un peu au-delà du simple divertissement horrifique. Par extension, on ressort de là plus attentif au traditionnel cercle vicieux médiatisation/surenchère, en plus d’être légèrement insomniaque.
MpM
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