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LE JUGEMENT DE SOLOMON
«- Tu ne peux pas nous échapper, ton âme est maudite. »
Mais qui est donc Solomon Kane ? Aventurier solitaire taciturne errant à travers la campagne Elisabéthaine comme un archange vengeur, Solomon protège la veuve et l’orphelin tout en luttant contre les forces du Malin pour sauver son âme damnée. Son nom, pour le moins symbolique (Solomon en références à Salomon, Roi d’Israël, sage parmi les sages et Kane, pour Caïn, premier meurtrier de l’histoire responsable d’un fratricide sur son frère cadet, Abel), présuppose un personnage torturé arpentant le chemin délicat de la rédemption. Inventé au début des années 20 par Robert E. Howard alors adolescent – il s’agit de l’un des pères de la littérature d’héroïc-fantasy moderne responsable des géniaux Conan, Krull le roi Barbare et Sonya la rouge –, celui-ci accouche sur le papier les premières aventures de Solomon Kane en 1928. Le succès est immédiat et ne se démentira plus.
Des héros littéraires de Robert E. Howard, seul Conan le Barbare de John Milius a eu les honneurs d’une adaptation réussie puisque devenue, au fil des ans, Le film étalon d’une héroïc-fantasy bien en peine malgré la tentative honteusement charcutée du 13ème guerrier. L’idée de voir sur grand écran, après les catastrophiques Conan le destructeur, Kalidor, Kull le conquérant et Le Cœur du guerrier, un tel héros avait de quoi nous faire saliver d’impatience. Hélas, il ne reste plus que nos yeux pour pleurer tant l’adaptation vire au grotesque, au grand n’importe quoi, au risible, au blasphème, à l’infamie…
A qui la faute ? Au cinéaste, incapable de prendre la mesure d’un personnage ambigu car paradoxal, en conflit perpétuel avec lui-même et prisonnier d’un dilemme, difficile en temps de guerre, à assumer : en effet, doit-il combattre et offrir son âme au diable ou renoncer à toute forme de violence et vivre en paix ? Cette caractéristique, fascinante au demeurant, est effectivement représentée par le réalisateur anglais…sauf que voilà, il structure son histoire avec les sabots d’un cheval de trait. C’est simple, sans être totalement raté, le film arbore une mise en scène ultra démonstrative – à la limite de la boursouflure – bien en peine pour caractériser
convenablement des personnages qui, de fait, deviennent des fantômes dénués de personnalités. Simple succession de scènes figées façon papier glacé, la caricature s’insinue, les traits se forcent et l’intérêt s’estompe bobine après bobine.
Dans ces conditions, Solomon Kane ne peut exister pour ce qu’il fut, ce qu’il a fait, ce qu’il est devenu et ce à quoi il aspire. A des années lumières de la puissance visuelle d’un Conan, la révélation du Héros est alors vouée à l’échec, laissant un goût amer d’inachevé, voir de gâchis.
Inscrit dans le marbre froid d’un monde sans relief, Kane gesticule à qui mieux mieux, motivant comme il le peut une histoire incapable de créer des liens, du rythme, une ambiance, une atmosphère, un souffle épique. Bref, tout ça ressemble à un jeu vidéo, c’est à dire sans âme. D’ailleurs, ce n’est pas avec quelques ralentis, un peu de fantastique, deux ou trois plans bien foutus et des dialogues au-dessus de la mêlée, que l’affaire sera sauvée. Pire, la fin inepte et digne d’une mauvaise scénarisation d’AD&D, portera l’estocade.
Bref, Solomon Kane est à mettre aux côtés des GhostRider, Donjons & Dragons ou encore Eragon. Le père Howard doit, avec son pote Dick, en avoir marre de se retourner sans cesse dans sa tombe…
geoffroy
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