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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Invictus
USA / 2009
13.01.2010
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UN VAINCU
«- Le football est un sport de gentlemen joué par des hooligans, alors que le rugby est un sport de hooligans joué par des gentlemen.»
Invictus ressemble davantage à un film de commande qu’aux dernières œuvres très inspirées de Clint Eastwood. Produit et interprété par Morgan Freeman, qui a côtoyé Mandela durant près de 20 ans, le film paraît trop simpliste, voire sentimentaliste, et sans réelle dramaturgie, manquant singulièrement de relief, pour nous emballer.
On pourrait même penser que Eastwood est passé à côté de son sujet. Il a préféré les dilemmes politiques de Mandela, hélas survolés, aux contradictions personnelles de Peeniar, héros d’une Afrique du Sud blanche pactisant avec le Président noir. Damon, transparent, n’ayant pas grand chose à jouer, semble plus spectateur découvrant l’Histoire qu’acteur la produisant. Ses motiviations sont imperceptibles. Cela se résume par cette citation : « Les temps changent et il faut changer ». Le film s’autorise même une visite des lieux mythiques du prisonnier Mandela, l’offrant ainsi en martyr à la caméra. Invictus devient ainsi un film hommage, un vrai-faux biopic, une reconstitution de l’itinéraire d’une icône contemporaine.
Tout n’est pas à jeter loin de là. D’abord, le personnage central est en soi un vrai sujet de cinéma. Mandela est cinétique. Comme Freeman semble politique. Ensuite, ce rapport à la clture noire, au métissage, aux réconciliations entre les ennemis d’hier, tout cela traverse l’œuvre du cinéaste. Ce n’est pas anodin. Eastwood a réalisé un film où les rôles sont inversés. La fracture raciale et sociale le place d’emblée du côté des pauvres, des noirs. Mais là encore, il reste en surface. Soweto est filmé comme un quartier défavorisé, sans violence, à mille lieux de ce que le cinéma local transpose dans ses films. A l’instar de cette séquence où un avion se détourne de sa trajectoire sans savoir s’il va commettre un attentat terroriste ou pas, beaucoup d’effets tombent à l’eau. On perçoit mal la guerre civile qui menace tant le film se concentre sur le charisme du Président sud-africain, porteur de symbôles.
La narration assez théâtrale empêche le film de s’envoler et le match final, crucial de rugby, trop haché, nous laisse à terre. L’essai est loin d’être transormé. Ce besoin de grandeur qui transcende les deux personnages ne se répercute jamais à l’image. Damon reste un joueur quand Freeman fait trop l’acteur. Leur connivence est trop faible pour rattraper des scènes un peu fades. Il faut tout le talent du cinéaste, toute la foi du comédien principal, toute la force de l’Histoire pour que le film ne sombre pas corps et âmes. Il en reste du coup une belle énergie, une certaine émotion, qui ne maquille pas la facilité du discours.
Invictus reste une œuvre décente, pas indigne, et agréable à regarder, si l’on compare aux productions actuelles. Cependant, cette naïveté est aux antipodes du cinéma eastwoodien. C’est sans doute pour cela qu’Invictus restera mineur dans sa filmographie. Et que le seul perdant ce ce match, c’est notre vénéré Clint.
vincy
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