Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Sherlock Holmes


USA / 2010

03.02.2010
 



ARNAQUES, CRIMES ET LOGIQUE





«- Si le crime court les rues, la logique est rare.»

Il paraît que c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe. Ce proverbe n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd et Guy Ritchie, réalisateur branché gangsters m’as-tu vu flinguant à tout va, troque ses univers cadencés façon MTV pour nous conter à grand renfort pyrotechnique les nouvelles aventures, très liftées au goût du moment, du plus célèbre détective privé, Sherlock Holmes.
Mais ne nous y trompons pas, l’ami Ritchie ne peut rompre avec ses démons de mise en scène, ni avec ses histoires de flics et voyous déjantés un an après le fun mais oubliable RocknRolla. Son crédo, aidé par le producteur Joel Silver, est de dépoussiérer une bonne fois pour toutes l’icône entourant le locataire du 221B Baker Street dans un divertissement haut en couleur, en action, en rebondissement et en cabotinage. Si Sherlock Holmes a « cartonné » aux Etats-Unis (bientôt 200 millions de dollars et une suite quasi assurée) la raison vient essentiellement de ce « dépoussiérage », faisant de Holmes un personnage contemporain attachant et par la même occasion plus facilement identifiable du public. Il est cérébral mais aussi insupportable, charismatique, sensuel, actif, maladroit, un brin barré, irresponsable et très maître de ses émotions.

Tout au long du film, Holmes se bat à mains nues, ironise à qui mieux mieux, se déguise, se retrouve nu attaché à un lit et semble plus préoccupé par la demande en fiançailles de Watson que par l’enquête elle-même. Bref, il n’est plus ce personnage un brin suranné, froid et distant enfermé chez lui à jouer du violon et à fumer la pipe. A aucun moment le réalisateur semble moduler sa mise en scène autour de ce mythe ciné a priori intouchable puisque, au contraire, il s’autorise une relecture dynamique plutôt véridique assez proche de sa signature cinématographique. En fait, Guy Ritchie se rapproprie le personnage littéraire pour nous façonner un vrai héros moderne.

Qui dit appropriation dit incarnation. Le choix de faire jouer l’éminent détective de sa majesté par l’acteur américain Robert Downey Jr. (Zodiac, Iron Man, Tonnerre sous les Tropiques pour ne citer que ses réussites les plus récentes) est d’une logique implacable. Comme à son habitude, il amène sa volubilité naturelle à un point d’excellence oscillant entre le cabotinage contrôlé et la pointe d’esprit british de rigueur. Il s’en donne à cœur joie, nous ravit par sa décontraction, sa classe légendaire et forme avec Jude Law – impeccable Docteur Watson dans un jeu très loin du faire-valoir auquel on aurait pu s’attendre – un duo convainquant par son antagonisme complémentaire. Point de présentation fastidieuse, une bonne poignée de mains lors de l’introduction suffit à présenter les deux hommes en action. "Votre don inouï du silence fait de vous un compagnon idéal." Leur amitié ainsi scellée au plus fort du danger cautionne l’évidence d’une relation teintée d’un profond respect. Et c’est à partir de cette liaison particulière que le film tire sa cohérence narrative, chaque scène où les deux « héros » sont réunis fait mouche, ce qui implique la plupart des séquences décalées ou d'action. Ce qui n’est pas forcément le cas des autres personnages, pour la plupart mal esquissés voire inutiles. Les rôles féminins sont pour le moins de circonstance - Rachel MacAdams est clairement sous exploitée, tout comme Kelly Reilly, alors qu'elles apportent un charme singulier et craquant - et le méchant de l’histoire devient bien vite prisonnier du rôle, c'est-à-dire manquant cruellement d’épaisseur et de spontanéité dans l’action.

Pour ce qui est du reste, il ne faut pas demander à Guy Ritchie de faire ce qu’il ne sait pas faire. L’enquête, digne d'un Dan Brown un peu en transe, aura au moins le mérite de respecter l’esprit des nouvelles de Sir Arthur Conan Doyle en mettant aux prises les sciences occultes d’un Lord Blackwood omnipotent et la rationalité d’un Sherlock Holmes toujours près à se mettre en danger, contrairement à un Hercule Poirot. Outre un problème de cohérence narrative – la seconde partie n’est qu’une succession de séquences plates ayant pour but de faire monter la pression jusqu’au climax avec quelques soucis de raccords entre les scènes et des trous dans le scirpt –, l’histoire est perturbée par le déséquilibre entre le duo Holmes/Watson et le reste du casting, l’action omniprésente (et parfois jouissive, ludique, reconnaissons-le) et les parties d’enquête à proprement parler.

Pourtant l’immersion opère, sans doute facilitée par une représentation londonienne foisonnante avec ses quartiers en construction fourmillant de détails (la scène finale sur le Tower Bridge en travaux est à ce titre plutôt une bonne idée). Certes on est loin de la "démonstration magistrale de l'évidence" qu'aurait tant apprécié Holmes. Sans être une totale réussite dans le genre, Sherlock Holmes version 2010 propose une relecture intéressante et surtout divertissante du célèbre détective. Un Agatha Christie dopé aux emphés. Malgré une fin convenue, les personnages, bien campés par Robert Downey Jr. et Jude Law, sont suffisamment attachants pour envisager une suite où Holmes risque bien de croiser sur son chemin un certain professeur M (pas Maudit). Affaire à suivre…
 
geoffroy

 
 
 
 

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