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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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C'est ici que je vis
Espagne / 2009
10.02.2010
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L'ENFANT, LE RENARD ET L'OISEAU
L’ici où vit Arnau se nomme Vallbona, un quartier situé à la lisière de Barcelone. Un de ces lieux où la campagne est grignotée par les premières constructions des banlieues, les tours des HLM, les périphériques. Là où le vert des arbres et le blanc des pierres semblent d’un même gris. Zone industrielle reléguée au néant. No man’s land entre le monde rural et urbain.
Révélé au festival de Cannes en 2001 avec Pau et son frère, Marc Recha plonge ses anti-héros souvent jeunes dans un univers campagnard qui les condamne à la rudesse, au presque mutisme. Avec son dernier opus, le réalisateur frôle la ville. Pour la première fois, il se rapproche aussi de la tendresse puisque les silences de Arnau ne sont pas ligotés par la rage comme ceux de Pau, mais par la méditation. Grâce à cette douceur qui enrobe l’introversion de l’adolescent, Recha signe son film le plus accessible. Pour le meilleur ?...
Oui, quand la caméra colle aux basques du protagoniste tout droit sorti d’un dessin de Folon. Dégaine longiligne, épaules voûtées, bras interminables collés le long du corps, Marc Soto semble porter toute la résignation du monde sur ses frêles épaules. Cet accablement est balayé à chaque plan où apparaissent les grands yeux noisette du comédien. Leur lumière vierge révèle alors une "jeune âme" qui semble découvrir sans aucun jugement les figures familiales de son quotidien : sa mère emprisonnée, son grand frère irresponsable, sa sœur aînée fauchée…
Hélas, l’écriture du scénario prend le parti d’aimer l’entourage de Arnau. Elle se veut à tout prix bienveillante avec ces "petites gens". Trop effleurés pour parvenir à exister, les personnages en manque d’aspérité s’aseptisent bien vite. Seul, Sergi Lopez en oncle d’Amérique impose une ambivalence, un trouble salutaire à cette fable entre champs et ville qui regarde Barcelone comme un Eldorado addictif.
Ajoutée à la faiblesse du traitement des seconds rôles, la construction de l’histoire déroute. Pendant les trois quarts du film, le récit emprunte le rythme des pas flottants et du regard lunaire de Arnau. Pour immerger le spectateur dans le monde singulier de l’adolescent, Marc Recha dilate l’exposition de son intrigue en prenant soin d’éviter tout rebondissement. Malheureusement, au final, il assène deux coups du sort à son personnage, et l’histoire vire au mélo.
Cependant, cette fable prend tout son sens quand elle fait la part belle à sa distribution animalière digne de La Fontaine. Des lévriers bondissent dans la poussière du cynodrome de la Meridiana reconstitué pour l’occasion. Un chardonnet facétieux tarde à s’égosiller au milieu de ses congénères lors d’un concours de chant d’oiseaux. Un renardeau moribond, charrié par les eaux pourries du fleuve, revient à la vie. Et chaque fois que l’enfant pose ses yeux de biche sur le royaume des bêtes, le film accède à un certain charme. À défaut d’un charme certain.
benoît
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