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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A Single Man
USA / 2009
24.02.2010
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THE GREAT SINNER
«- Je suis celui que je parais. »
A Single Man. Un homme seul. Un homme célibataire. Un homme au singulier. Un homme singulier. Le titre comporte tout ce qui compose la nature du personnage interprété par Colin Firth, un professeur anglais, homoseuxel, résidant dans une Californie ensoleillée.
Une journée, si particulière, dans la vie de cet homme, veuf inconsolable, déprimé, pour ne pas dire dévitalisé.
Tom Ford ouvre son premier film avec le réveil de Georges. Un lever pénible. Firth, apathique, mécanique, installe d’emblée son personnage. Les subtilités de son jeu, les nuances de sa voix, son talent à rester constant du début à la fin, imposent tout de suite les caractéristiques qui (trans)porteront le film. Il n’avait pas trouvé un si grand rôle depuis des années.
L’ancien styliste, maniaque et perfectionniste jusqu’à l’assumer, assimile le roman de Christopher Isherwood dans son propre univers. La séquence d’ouverture est, à ce titre, emblématique. Georges se lève. Marche élégamment dans une maison design à faire pâlir d’envie le directeur artistique d’une revue déco. Sh’abille plus que proprement : tout est chic, inné, calculé, des caleçons blancs aux boutons de manchettes. Tom Ford s’amuse avec une délicieuse ironie à décrire ce qui fut sa vie de couturier : le soin de l’habit, qui ne fait pas le moine, mais qui décrit l’homme. Tout a de l’allure, même la tache d’encre sur les draps blancs.
Une griffe et des blessures
Mais l’apparence masque les failles béantes d’un deuil insoutenable. La maison de verre n’a que les atours de la transparence tant les pensées de son habitant sont opaques et noires.
Des fulgurances, accompagnées de sons et de couleurs plus chaudes s’il s’agit de souvenirs nostalgiques, plus froides si ce sont les hallucinations cauchemardesques de l’accident qui tua son compagnon, titillent nos sens. L’œuvre est sur-esthétisée. Ce qui dérangera certainement. Trop superficielle diront certains. Tout est trop élégant. La mise en scène est intellectualisée. Cela donne un résultat glacé, mais non dénué d’émotions. La nonchalence et l’érotisation qui vont, progressivement, s’insinuer dans cet univers congelé.
Car nous sommes dans les sixties. Entre conservatisme, guerre froide et patriotisme d’un côté et émergence de la liberté des droits sexuels et civiques. A ce sujet, Ford a gardé le discours du professeur devant son amphithéâtre d’étudiants concernant les minorités. « La peur est utilisée comme un moyen de manipulation de notre monde ». La peur des attaques, des menaces, des minorités, de vieillir. Echo contemporain à la stratégie du choc qui sera appliquée par les grands décideurs des années 70 à nos jours.
Mais A Single Man n’est pas un film prosélytique. Nous sommes dans l’intime. La conscience d’un individu qui vit une journée « épiphanique » où tout lui apparaît avec clairvoyance. « Un monde sans sentiments n’est pas un monde pour moi ». De ce motto, il décide de mettre fin à son existence. Comme pour son cérémonial du réveil, où chaque geste est rituel, il va préparer son ultime journée.
Et mourir en paix n’est pas facile. C’est fou comme l’affect, les désirs, le réel, les autres peuvent « parasiter » votre décision la plus déterminée, la contrarier, et même vous faire douter.
Les fantômes de Brando et Dean
Tom Ford, qui maîtrise étonnamment bien son premier film, glisse alors vers des images plus allumeuses. Tout est tentation, même si elle est souvent trop sophistiquée. Une partie de tennis, où les chairs luisent au soleil. Le regard de braise et la dégaine virile d’un jeune latino à violer sur le champ. Tous les clichés y passent : de James Dean à Marlon Brando, le mec en marcel, le motard et ses ray-bans.
Et puis évidemment l’ange, venu des enfers ou du paradis, qui aiguisent vos nerfs, qui vous remet en vie. Une jeunesse qui ouvre la voie à l’avenir, qui remet de l’insouciance dans un monde ténébreux. La peur alors, de vieillir, de mourir, d’exister disparaît. Erotisme platonicien entre le Maître et le candide. L’hymne à l’amour éternel se brouille avec les attirances réelles.
Il se redécouvre. S’offre des instants de pure liberté. Et d’ailleurs la vie reprendra ses droits et décidera de la fin.
A Single Man. Un homme seul. On est toujours seul face à la mort. Le tout est de savoir si l’on part en paix, heureux.
PS : Car il nous faut parler de Julianne Moore. Ford la magnifie, la transforme en icône. Belle de nuit. Alcoolisme mondain et oisiveté destructrice. La meilleure amie, la confidente, la complice, la part de soi que l’on peut détester, ou au contraire se délecter. Délice et calice. Julianne Moore apporte la touche de féminité nécessaire dans cet atmposphère si masculine. Sa maestria à s’emparer du rôle, pourtant assez court, et à nous séduire en un clin d’œil (bien maquillé), n’est pas la seule cause de nos émois. Elle incarne le mythe de la « fille à pédé », de la femme idéale, celle avec qui un homo aurait pu cohabiter, celle qu’on ne veut pas toucher. Celle avec qui l’on danse, comme deux âmes égarées, esseulées. Elle est le double féinin. Et Julianne est la seule rousse qui nous fasse cet effet là.
vincy
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