Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La stratégie du choc (The Shock Doctrine)


Royaume Uni / 2009

03,03,2010
 



CAPTALISM : A HATE STORY

Le livre Bye Bye Bahia



«- Seule une crise, réelle ou supposée, produits de vrais changements » - Friedman

Naomi Klein n’est pas Michael Moore. Moins ludique et plus pédagogique. Le documentaire adapté de son essai homonyme, La stratégie du choc, réalisé par Michael Winterbottom (rien que ça) et Mat Whitecross, emprunte les techniques narratives du docu-entertainment à l’américaine s’en jamais se départir de son unique souci : expliquer sans se perdre dans des digressions superficielles.

Le propos est dense, l’argumentaire est long à expliquer. Mais Klein rappelle en introduction que sans Histoire, nous sommes sans repères, et donc plus vulnérables à cette doctrine imaginée par William Friedman, Prix Nobel d’économie en 1976. Sa théorie est héritée des expérimentations psychiatriques et des tortures physiques et sensorielles réalisées par la CIA en pleine guerre froide, à la sortie de la seconde guerre mondiale. Suite à un choc, ou un traumatisme, l’individu devient plus docile, plus apte à coopérer, quand, avant il résistait. Nous voici transformés en zombies déambulants dans un monde qui nous a électrochoqués. Déprogammer l’Homme et reprogrammer la société.

Objets d’une grande manipulation à l’échelle d’abord étatique puis mondiale. Le film s’articule chronologiquement autour de trois blocs : l’Amérique latine des années 70, la civilisation anglo-saxonne des années 80 et la Russie post-communiste des années 90. Glissements de terrains assurés qui va permettre à l’ultra-libéralisme de dominer la Planète durant les 40 dernières années, après 40 ans d’économie mixte (dîte Keynesienne) où l’Etat régulait et investissait pour dynamiser la croissance, sortir de la crise de 1929 et reconstruire l’Europe d’après guerre.

Un libéralisme qui va convenir aux dictatures
Friedman ne s’est jamais caché qu’il rêvait d’un monde libre, c’est-à-dire, dans son esprit, avec un minimu d’Etat, donc d’impôts. Il privatiserait tout, à l’excpetion de l’Armée, des Tribunaux et des axes routiers majeurs. L’Histoire montrera qu’on peut même privatiser l’Armée. Cette dérégulation totale, selon lui, s’accompagnerait d’une démocratisation totale, d’une liberté individuelle absolue et d’un enrichissement personnel inconditionnel. Car non content de le propager, de l’appliquer, il va l’enseigner. Les faits lui ont donné tort dès le début, sans jamais qu’il ne se remette en question.

En effet, les premiers pays à avoir utilisé sa doctrine, les premiers laboratoires des « Chicago Boys » (nom que l’on donnait à ses disciples) sont le Chili et l’Argentine. Le premier après un coup d’état sanglant qui aura amené, avec le soutien des USA, une dictature militaire au pouvoir. Saisissantes images d’archives, notamment des camps de prisonniers. Son voisin, l’Argentine ne tardera pas à répliquer le schéma, en poussant les sévices et la torturre un cran plus haut, muselant ainsi toute possibilité de révolte. Le résultat fut spectaculaire : pas de démocratie, une inflation exponentielle, un appauvrissement général, une élite corrompue et opulente. Malgré cela, d’autres pays allaient obéïr au « Docteur Friedman ».

A l'origine...
Car loin de cette terreur et ce chaos latino-américain, d’autres dirigeants, élus démocratiquement, allaient employér la méthode du choc et du conflit pour imposer une réduction de l’Etat. Amie de Pinochet, Margaret Thatcher était passée experte en la matière. Apôtre d’un capitalisme radical et dominateur, elle va, avec Ronald Reagan de l’autre côté des Etats-Unis affronter les syndicats, ouvrir la voie à la libération du marché bancaire (et donc aux crashs spéculatifs en 87, 92, et 97). Aux abysses de sa popularité, elle se fera réélire malgré tout grâce à la création d’un choc : la guerre des Maoluines, qui va souder les Anglais derrière elle. C’est à peine dix ans après la réélection de Nixon, qui, au contraire, avait du réglementer les prix pour stopper l’inflation, maîtrisant ainsi une politique « keynesienne » en fin de cycle. En dix ans, le monde des Etats devenaient un monde de la finance. Elle privatisera tout ce qu’elle peut, des Télécoms aux transports, supprimera les HLM, réduira les allocations… les images sont éloquentes et agissent comme des piqûres de rappel.

Les riches vont alors s’enrichir et les pauvres rester dans leur marécage. Le fossé va être multiplier par trois entre les grosses fortunes et le bas de la pyramide. L’incitation fiscale réduira les possibilités d’investissements et il faudra un autre choc, l’Ouragan Kathryna, pour mesurer à quel point le retrait de l’Etat pouvait etre meurtrier. Pourtant Friedman persiste et introduit l’idée qu’il faut en profiter pour « réformer » le réseau scolaire et l’éducation.

La démocratie baffouée
La dérive sera tellement incontrôlable que la Russie, en mal de repères et ivre d’une liberté inhabituelle, se transformera en chaos intérieur avec un Eltisne de plus en plus autocratique, passant du rôle de sauvauer à celui de destructeur du Parlement russe. Coup de force qui va être suivi d’un règne despotique et « friedmanien », enrichissant les Oligarques, bradant les bijoux de l’Etat, créant 72 mmilions de pauvres dans un pays où la capitale a le plus grand nombre de milliardaires.

Toutes ces inégalités, factuelles, sont effarantes tant le récit est fluide, le montage efficace. Cete guerre contre une « bureaucratie » fantasmée trouvera son apogée avec le 11 septembre. Pas celui de 1973, quand Pinochet assassine le progressiste Allende. Celui de 2001 quand la sécurité devient un business plus important que le cinéma et la musiques réunis. Les talibans, l’arme nucléaire, le dictateur sont au Pakistan mais on fait avaler la pilule que c’est l’Iraq qu’il faut attaquer.

Une théorie qui souffre de quelques failles
Mais à force de subir trop de chocs, les citoyens deviennent plus résistants. Pas encore immunisés mais moins réceptifs aux virus.

Klein espère, comme beaucoup, que 40 ans ça suffit, et que nous allons passer à une autre ère. Profession de foi ou Foi en les processions ? Toujours est-il que l’exposé, aussi brillant et accessible soit-il, manque de quelques éléments pour que le tour du sujet soit complet : quid du japon, et surtout de la Chine et de l’Inde? quid des échecs électoraux des socio-démocrates Européens au début des années 2000 ? quid des dirigeants de gauche en Amérique Latine ?

Il reste que ce pamphlet intelligent dénonce une valeur trop répandue depuis quatre décennies : l’absence de morale du capitalisme et de ses apprentis sorciers. Et c’est ce qui nous sidère le plus en sortant du film. Qu’on retire le Prix Nobel d’Economie à ce charlatan de Friedman.
 
vincy

 
 
 
 

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