Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Thelma, Louise et Chantal


France / 2010

03.03.2010
 



L’AUTOMNE MEURTRIER





«- Mais vous croyez quoi les filles ? Faut bosser, mettre ses atouts en valeur, refaire ce qu’il y a à faire… C’est du boulot !»

En 1962, un hebdomadaire américain de cinéma publie cette petite annonce : Mère de trois enfants âgés de 10, 11 et 15 ans, divorcée, de nationalité américaine, 30 ans d’expérience dans le domaine cinématographique, encore alerte et plus aimable que ne le prétend la rumeur publique, cherche emploi stable à Hollywood. Connaît Broadway. Références à l’appui.
Les « professionnels de la profession » s’étranglent de stupeur en découvrant la signature du texte : Bette Davis !
Bette Davis ou l’incarnation éternelle de Margo Channing qui connaît par coeur les hauts et les bas du boulot, les ponts d’or et les désaffections des studios, les pointillés de la célébrité, bref, les aléas de la comédie !
À 54 ans, l’héroïne de La garce de King Vidor est sur la touche. Le spectre qui menace sa carrière est l’un des plus redoutés par les actrices de cinéma : l’ÂGE. Plus précisément, le tunnel meurtrier de la cinquantaine où les comédiennes après avoir incarné des jeunes premières, des jeunes filles, des jeunes femmes, des jeunes mères, deviennent des femmes… mûres. Soit au regard de l’industrie audiovisuelle : un produit à la date de péremption révolue.
Mûre… Toutes les stars tremblent devant cet adjectif tant le cinéma, avide de chair fraîche, méprise et jette aux oublis la cinquantaine féminine. Il arrive parfois à cet ogre macho d’avoir un semblant de cœur, d’accorder quelques miettes de rôle à des actrices sexagénaires encore potables. Séances de rattrapage qui condamnent les comédiennes à passer directement de l’emploi de jeune mère à celui de mère-grand, d’être exposées aux feux de l’été, puis, d’un coup, à l’ombre rude de l’hiver !
L’automne de leur talent serait-il virtuel, quasi-inexistant, pestiféré aux yeux d’un art qui prétend s’inspirer de la réalité ?...

Nip ta mère

Là où le bât blesse en ce début de XXIe siècle, c’est que la durée de vie dans nos civilisations au top du progrès, ne cesse de s’allonger. Atteindre aujourd’hui 100 printemps n’a plus rien d’exceptionnel. La médecine fait des prouesses. Non seulement elle promet une augmentation substantielle, mais, experte généreuse, elle remet le compteur à la baisse à coups de scalpels, bistouris, Botox et compagnie. Résultat, les actrices de 50 ans en font 10, voire 15 de moins. Si beaucoup adoptent la « Nip Tuckattitude » pour brouiller les pistes, c’est moins dans l’espoir d’entretenir à tout prix la jeunesse et la beauté que d’exercer un maximum de pouvoir sur le marché qui les emploie. Mais l’ogre cinéma, pas dupe, sanctionne toujours ses icônes dès les premières brumes de l’automne.
A Hollywood, la météo est particulièrement coriace car les têtes d’affiche se font décapiter dès la quarantaine. Les Jessica Lange, Michelle Pfeiffer et Julia Roberts en font les frais alors que Nicole Kidman, dont le front lisse, très lisse finit par ressembler à celui de Lisa Marie dans Mars Attacks ! de Tim Burton, se bat comme une diablesse pour garder son trône chancelant.
L’Europe, un peu plus tolérante, accorde une dizaine d’années de survie supplémentaires à ses célébrités. Aujourd’hui en France, à une décennie d’années-lumière dans la galaxie des étoiles, seules Catherine Deneuve et Isabelle Huppert sont parvenues à éviter l’éclipse fatale.

C’est pourquoi il est impossible d’en vouloir à Mesdemoiselles Birkin, Cellier et Jacob d’avoir dit « oui » à l’aventure navrante de Thelma, Louise et Chantal car l’automne sévit et les propositions cinématographiques n’abondent plus ou pas pour ces non - mot horrible – « bankable ».
Pourtant, Birkin, sex-symbol des seventies et tragédienne pendant les années 1980 a signé de jolies lettres de noblesse du cinéma français. Lady Jane est trois fois nommée aux Césars pour La pirate de Jacques Doillon, La femme de ma vie de Régis Wargnier et, dans le meilleur second rôle, pour La belle Noiseuse de Jacques Rivette.
Moins starisée, mais estampillée label « comédienne de qualité », Caroline Cellier a reçu le César du meilleur second rôle pour L’année des méduses Christopher Franck et a été nommée au César de la meilleure actrice pour Le zèbre du regretté Jean Poiret.
Quant à Catherine Jacob, elle fait avec aisance le cabri entre le théâtre et la télévision, média hautement dédaigné par les « gens du métier ». Elle démarre sur les chapeaux de roue et décroche le César du meilleur jeune espoir dans La vie est long fleuve tranquille de Etienne Chatilliez. À trois reprises, elle se voit nommée au César du meilleur second rôle pour Neuf mois de Patrick Braoudé, Merci la vie de Bertrand Blier et Tatie Danielle de Etienne Chatilliez.
On connaît la subjectivité de tels prix et loin de moi l’idée d’encenser ces hochets de vanité, mais ils prouvent deux choses :
- Primo, le cinéma est un mot masculin aveuglément burné ;
- Secundo, en plus de son engouement pour les donzelles graciles, le septième art est un enfoiré d’amnésique !

Faut rigoler

À présent, mes longues dents draculiennes s’adressent aux producteurs de ce navet. Comment avez-vous pu envisager le tournage d’un scénario aussi affligeant, vulgaire et plombé de clichés ? Pourquoi n’avez-vous pas encouragé son auteur réalisateur encore bébé à prendre le temps de rédiger son histoire, de la laisser infuser, puis de la reprendre ? Quand j‘emploie le verbe « reprendre », il ne s’agit pas de modifier deux ou trois répliques dans quelques séquences. Non, de laisser le temps au créateur d’approfondir, d’épaissir son propos. De l’accompagner, tel un artisan, tout au long de son travail d’écriture pour l’aider à gommer les facilités et, si possible, à extraire la sève de sa sensibilité.
Par votre faute messieurs les producteurs, il y a fort à parier que personne n’ira voir Thelma, Louise et Chantal. Cette production rejoindra la cohorte des comédies hebdomadaires dont nous assomme le cinéma franchouillard avec son forcing à la rigolade. Plus grave, à cause de votre incompétence, Benoît Pétré va avoir un mal de chien à réaliser un second long-métrage alors, qu’au départ, ses intentions étaient plus que louables.

Une bulle de grâce, cependant, s’échappe du film qui prend alors des allures de sous - très en dessous ! - Millénium Mambo de Hou Hsiao Hsien. Au ralenti et au son de la reprise envoûtante de La plus belle pour aller danser par Chris Garneau, Miss Cellier en jeans et blouse de soie blanche se déhanche sous les spotlights d’une boîte de province paumée. Éméchée, elle tangue, chaloupe parmi la jeunesse. Soudain, trébuche légèrement. Son regard embué se teinte alors de désespoir. Fêlure magique. À l’image de cette interprète trop rare.
Enfin, le temps d’un caméo, La Cellier lève dans une œillade Jean-Pierre Martins en garagiste. Ah, Jean-Pierre ! Ah, Martins ! Sa carrosserie épaisse ! Son Marcel souillé par l’effort ! Sa salopette maculée de cambouis ! Sa boîte à outils ! J’en ai des vapeurs de ménopausée… Hélas, je suis loin d’avoir l’abattage de la belle Caroline et, en plus, cette bête de Jean-Pierre n’aime pas les garçons. C’est fou comme certains films vous foutent les boules !
 
benoit

 
 
 
 

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