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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bad Lieutenant: Escale à la Nouvelle-Orléans (The Bad Lieutenant: Port of Call - New Orleans)
USA / 2009
17.03.2010
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POUDRE AUX YEUX
«- Vous pensez que les poissons font des rêves ?»
De remake il n’en porte que le nom. Ce constat, à l’aune de la filmographie du cinéaste allemand Werner Herzog, n’est pas surprenant. Le résultat, mitigé mais fascinant d’exubérance, diffère donc de l’original, Herzog préférant emprunter d’autres sentiers de la perdition pour réaliser, à 67 ans, son tout premier polar.
L’histoire se déroule à la Nouvelle-Orléans post Katrina. Un flic, limite, fantomatique et sniffant de la coke à longueur de journée pour soulager un dos en bouillis, se voit confier une enquête sur le meurtre d’une famille d’immigrants africains. Du bayou à la ville et du centre ville aux quartiers sinistrés, Terence McDonagh (Nicolas Cage qui en fait des tonnes) déambule son humeur vagabonde à la recherche des coupables et de toutes substances illicites capables de le faire tenir. Le personnage, prisonnier d’une narration aux ficelles tordues, aux scènes loufoques et autres évènements grossiers, nous entraîne dans sa déchéance quotidienne faite de chimères où les gangsters dansent sur du Hip Hop et les iguanes vous fixent sur fond de Blues. Un peu comme si la réponse du réalisateur au décor ravagé d’une ville fantôme passait par une bonne dose d’absurde, de décalage, de langueur excessive, de grotesque.
Satire et cons
Ce parti-pris n’est pas innocent. Il permet à Herzog de délaisser le thème de la rédemption christique invoquée dans le film de Ferrara pour celui, plus malin, de la satire. Le contrepoint est évident et Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans déroule son second degré parfois morne pour dézinguer sans complexe les codes du polar hollywoodien. C’est par moment jouissif, souvent facile, toujours personnel. De toute façon il est difficile de croire que Werner Herzog n’aie pas voulu caricaturer une Amérique rongée par des démons qu’elle ne contrôle plus. De fait, l’histoire, a priori convenue, est constamment dynamitée par ce duo improbable (Werner Herzog derrière la caméra / Nicolas Cage devant celle-ci) faisant du cynisme une vertu contre la moralité bien pensante. Tout y passe – flics, voyous, petite amie, père, enquête, emmerdes de McDonagh et leurs résolutions « miraculeuses » –, et Bad Lieutenant devient une épopée intérieure aussi irréelle que vide.
Conséquence : les pérégrinations de McDonagh restent otages de sa folie, de son détachement, de sa quête personnelle, sans doute illusoire, forcément improbable. Peu importe alors l’enchainement des évènements extérieures puisque Werner Herzog utilise Nicolas Cage dans ce qu’il sait faire de mieux. L’exagération du je/jeu, l’agitation du corps, le roulement des yeux. Cage caricature Nicolas avec une délectation coupable qui fait plaisir à voir. L’acteur « performe » à chaque plan et répond ainsi à la volonté première de son réalisateur. Sabrer le métrage en explosant de l’intérieur une narration ou bien et mal se confondent. La frontière sera floue car de prétexte, le film comme le spectacle en dents de scie.
Mais peu importe et cet essai mérite notre bénédiction. Si Werner Herzog ne réalise pas son meilleur film il n’oublie pas sa patte. Il a su rythmer son film tout en lui donnant un ton, une saveur et une cohérence narrative autour de la vacuité de l’existence.
geoffroy
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