Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Alice au pays des Merveilles (Alice in Wonderland)


USA / 2009

24.03.2010
 



ALICE SANS DELICE





« - Décapitez-la ! »

Tic Tac Tic Tac… le lapin blanc nous attend, ne soyons pas en retard à ce rendez-vous si alléchant… en apparence.

Les délices et les supplices
Loin de Charlie et la chocolaterie et beaucoup plus proche de Sleepy Hollow ou encore Sweeney Todd, Tim Burton retrouve ici son côté sombre, pour ne pas dire macabre et parfois effrayant. De quoi faire fuir les enfants. Car, ne nous y méprenons pas, Alice au pays des Merveilles a beau avoir un titre féérique, et le nom de la firme Disney à son générique, l’univers est plutôt celui du désenchantement, dans un monde presque post-apocalyptique. Une planète qui a viré au rouge, où les habitants sont les singes d'une Reine à la tête grosse comme une pastèque, à l'image de son ego. Les couleurs sont sombres et le pays imaginaire est régi par le noir de la désolation et le rouge sanglant de cette Reine de coeur, saignant. Ici, au milieu d'arbres calcinés, les têtes voltigent comme dans Sleepy Hollow, Sweeney Todd ou de Mars attacks. Catwoman a trouvé son chat invisible. Le Pinguoin de Batman s'est mué en chapelier fou. Les personnages fantasques renvoient à d'anciens plus attachants de l'univers de Burton, tout comme les décors rappellent ceux de ses contes les plus réussis. Le cinéaste banalise sa propre créativité, délaissant bien vite les couleurs vives de la réalité. Il est notoire que Burton n'aime pas les Anglais, et il le leur rend bien avec l'introduction du film.

Ce titre est autrement trompeur car Alice au pays des Merveilles ne reprend pas véritablement le très célèbre roman de Lewis Carroll, ni l'histoire du dessin animé de Disney. Alice n’est ici plus une petite fille et ce voyage au pays des merveilles n’est pas une première pour elle, bien que ses souvenirs semblent lui échapper. Cela aurait pu être une formidable source à idées, et cela devient vite décevant, transformant la jeune fille fougueuse et indécise en Jeanne d'Arc à la Besson. Cependant, cette mue vers l'adolescence permet à Tim Burton de se réapproprier complètement l’histoire, les personnages et principalement et avant tout, l’univers visuel. Reconnaissons qu'il n' a pas perdu la main et que les effets spéciaux lui ont permit de "délirer" sur l'esthétique du film (des yeux agrandis de Johnny Depp à la tête difforme d'Helena Bonham Carter). Chaque détail est étudié et soigneusement travaillé. Avec un souci très prononcé pour les décors (toujours plus sombres) et les costumes (notamment les nombreuses robes de la belle Alice qui varient à chaque fois qu’elle change de taille), l’univers graphique est minutieusement pensé et soigné. Et pourtant, c’est comme s’il manquait une certaine magie, cette petite griffe Burton qui fait la différence comme pour Beetlejuice ou Edward aux mains d’argent. La partie enchanteresque n’opère pas, sans que l’on arrive réellement à savoir pourquoi. Le charme semble écrasé par cette machinerie. Le scénario, trop scolaire, empêche les angoisses et les craintes des personnages de s'incarner, au delà de leur excentricité ou d'un jeu trop prononcé. Même Depp ne fait que répéter son manège de Charlie et la Chocolaterie.

Les merveilles et les horreurs
La forme, même s’il manque un petit quelque chose, révèle un univers très riche. En revanche, le fond est plutôt dépouillé et décevant. Ici, point d’envolée burtonienne, la réflexion restant finalement très terre à terre.
La psychologie des personnages est peu creusée et ces derniers manquent alors cruellement de substance.
Autant Tim Burton a réussi à repousser certaines limites en matière visuelle et graphique (bien que la 3D se révèle ici sans intérêt puisque le film n'est pas tourné en "motion capture"), autant il semble s’être réfréné quant à la philosophie du film, laissant, en cours de route, sa fabuleuse Alice se débrouiller toute seule, désintéressé qu'il était par ses troubles et ses attirances. A 19 ans, avoir aussi peu de sexualité, c'est louche. Tout devient factice tant rien n'est charnel, sensoriel, sensible. Une comédie où les pantins surjouent leur partition.
Il part néanmoins sur une très bonne réflexion concernant la force de l’imagination mais la balaie d’un rapide revers de la main et cette idée, aussitôt née, disparait. Comme s'il était en panne de construire le moindre message. Il n'imagine rien, il ne fait que s'approprier ou réinterpréter. Dommage, ce questionnement sur l’évasion de l’esprit, ce combat entre réalité et imaginaire aurait certainement été très intéressant. Au contraire, Tim Burton semble se tenir fermement à ce voeu de faire d’Alice une héroïne qui a grandi et a donc les pieds sur terre, comme si l’imagination devait forcément disparaître avec les années. Désenchantement quand tu nous tiens…
La fin (que je m’abstiendrai de révéler dans ces lignes), prônant certes une sorte de libération de la femme, propose surtout en alternative au pays imaginaire de l’enfance le monde de l’adulte où le capitalisme bondissant et l’expansionnisme sont non seulement les seules voies mais aussi une réussite en soi. A l'image du cinéma de Burton, plus occupé à conquérir les écrans et le public qu'à lui offrir ses histoires personnelles qui nous ont tant séduites. Le voilà dans un autre monde, sans doute.

Alice au pays des Merveilles est alors un film graphiquement réussi mais au rythme plat (la grande bataille entre le Bien et le Mal est des plus décevantes) dans lequel le spectateur n’arrive pas à entrer et dans lequel aussi, semble-t-il, Tim Burton a perdu une partie de l’enfant qui sommeille en lui.
Quand on sait qu’un réalisateur peut mieux faire, on est forcément quelque peu déçu. Et l’on sait que Tim Burton peut mieux faire, il l’a déjà prouvé et ce à plusieurs reprises…
 
morgane

 
 
 
 

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