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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Téhéran (Tehroun)
Iran / 2009
14.04.2010
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ASPHALT JUNGLE
"Avec moi, soit tu touches le pactole, soit tu finis pendu."
Un polar à l'iranienne ? Pas vraiment une révolution, contrairement à ce que revendique l'affiche, mais une tentative intéressante de parler autrement du pays et de ses maux. D'autant que l'ancêtre du polar actuel, le fameux film noir américain, a été créé dans des conditions et dans un but relativement similaires, afin de jouer avec la censure, dénoncer la corruption et explorer les bas-fonds d'un univers urbain totalement désenchanté.
Le choix est donc astucieux, et les codes du genre plutôt bien utilisés, même si l'on est loin de la stylisation ultra-raffinée de l'époque. Ici, tout est au contraire extrêmement réaliste car souvent filmé en pleine rue, au milieu de vrais passants, et dans un souci de montrer la réalité brute. La ville de Téhéran occupe ainsi la place centrale du film, comme un personnage qui présente mille visages différents selon que l'on passe d'un quartier à un autre : larges avenues désertes dans le Téhéran du Nord (réservé aux riches), embouteillages et trottoirs grouillants de passants dans le Téhéran plus populaire.
C'est d'ailleurs cet aspect documentaire qui s'avère le plus intéressant. Cinématographiquement, Téhéran tourne en effet assez vite en rond, victime d'un scénario poussif et de maladresses de mise en scène. Les effets de ralentis, de flous, de plans esthétisants où le son direct est coupé, soulignent inutilement la dimension tragique du récit. En revanche, ce qu'il dit de l'Iran contemporain est absolument édifiant. On découvre une société gangrenée par le crime et les bandes organisées, où la notion de morale n'a plus aucun sens. La déchéance est telle qu'il n'y a plus de limites, et le personnage principal n'hésite pas à louer un bébé pour mieux apitoyer les passants lorsqu'il fait la manche. Pour lui, ce n'est que le point de départ d'une déchéance spirituelle et humaine le poussant à abandonner tout reste de dignité.
On comprend que Nader T. Homayoun ait eu à déjouer la censure du régime, car sa vision au vitriol de la toute-puissance de la mafia, des réseaux de prostitution et des trafics en tout genre a dû faire s'étrangler plus d'un mollah. Ne parlons pas du savoureux passage sur le prêt islamique (visiblement pas une œuvre de bienfaisance) et l'ironie des voleurs qui se déguisent en gardiens de la révolution pour cambrioler les fêtards...
Si ce n'était pas si terrible, on pourrait sourire devant l'inventivité d'un peuple poussé dans ses pires retranchements par l'instinct de conservation. Mais le réalisateur a beau distiller ici et là quelques notes d'humour, le cœur n'y est pas vraiment
lorsque l'on songe que pour certains, cette absurdité est bien réelle. Assez logiquement, le film finit donc par basculer dans le
pessimisme le plus absolu, dressant le tableau terrifiant d'une génération sacrifiée sur l'autel des apparences. mpm
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