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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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When You're Strange
USA / 2010
09.06.2010
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LES PORTES DE LA PERCEPTION
“When you're strange
Faces come out of the rain
When you're strange
No one remembers your name
When you're strange”
Tom DiCillo, cinéaste américain indépendant à qui l’on doit Ca tourne à Manhattan, Box of Moonlight, Une Vraie blonde et Delirious, s’attaque au documentaire musical. Mais pas n’importe lequel puisqu’il propose, avec When you’re Strange, un éclairage unique sur les Doors, mythique groupe de rock américain des années 60.
L’urgence dans la contemplation. Savoureux mélange pour un documentaire composé exclusivement d’images d’archives tournées entre 1966 et 1971. Comme un long poème déchirant scandé par son dramaturge maudit, When you’re Strange délivre sans concession ses images inédites dans un rapport à l’art parfois indistinct mais transpercé de bout en bout par un mouvement de liberté. Cette recherche d’exclusive et de non compromission dans la musique n’est pas étrangère à la période trouble qui aura ébranlé les Etats-Unis vers la fin des années 60. Les Doors deviendront le porte étendard d’une jeunesse en demande d’émancipation où la drogue, le sexe et le rock’n’roll en furent les fers de lance. Le groupe aura transcendé par leur musique protéiforme (association brillante et parfois "disharmonieuse" du jazz, du rock, du blues, de la musique de fanfare) et le jeu de scène survolté de Jim Morrison, une demande d’infini ou la grâce aura côtoyé la provocation.
Expérience sensorielle totalement réussie
Parler des Doors de façon didactique n’aurait servi à rien. D’où l’utilisation, via un montage serré, d’images brutes pour la plupart envoutantes, captivantes, comme instantanées. Si Tom DiCillo n’écarte rien, ni sur le génie du groupe ni sur les affres d’un Jim Morrison torturé, il arrive à retranscrire sans temps mort un spleen convulsif diaboliquement efficace. La tentation d’idolâtrie a été évitée faisant de When You’re Strange une expérience sensorielle totalement réussie. Mieux, en contextualisant par couche successive son documentaire, le réalisateur américain inscrit le groupe dans un espace propre plus proche du symbolisme conjoncturel que du brûlot politique d’une époque tourmentée. De fait, il ne pervertie jamais l’essence d’un groupe apolitique mais consubstantiel de la période qui l’aura vu naître. On se dit que les Doors n’auraient sans doute pas survécu au-delà de cette époque charnière, impression renforcée par le ton pressé, vivant et très contemporain du documentaire.
Pour finir louons la bonne idée du cinéaste d’avoir intégrer des séquences du seul métrage jamais réalisé par Jim Morrison (HWY-An American Pastoral) où celui-ci erre dans le désert à la recherche de cet infini inatteignable. Ces images tracent le fil rouge d’un film renvoyant dos à dos Morrison et les Doors. Tom DiCillo ne recule pas devant le personnage englué dans sa toxicomanie et ses problèmes d’alcool mais œuvrant comme un pygmalion vénéneux à double tranchant. Si le film se focalise sur Morrison, il n’éclipse pas, pour autant, les autres membres du groupe, véritable colonne vertébrale à l’instar d’un Robby Krieger qui aura, à lui seul, composé pas moins de la moitié des chansons des Doors.
Tom DiCillo réussit son pari haut la main, crée une impulsion faite d’errance, de fulgurance, de musicalité et d’abandon. Rythmé, son doc n’est jamais répétitif, pour peu que l’on se perde sans résistance dans l’univers si paradoxal d’un groupe à fleur de peau ayant fabriqué sa propre urgence musicale.
geoffroy
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