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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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D'amour et d'eau fraîche
France / 2010
18.08.2010
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BOBO TRAVAIL
"J’ai peur et tout le monde s’en fout"
Mieux vaut ne pas se fier au titre : D’amour et d’eau fraîche n’a rien d’une utopie romantique. Au contraire, le film s’ancre dans la réalité très actuelle d’un monde de l’emploi parsemé d’embûches, avec tout ce que cela implique de violence. Julie, la jeune héroïne, est ainsi confrontée aux stages en forme d’exploitation (assistante-femme à tout faire), aux petits boulots abrutissants et aux entretiens d’embauche humiliants. Comme tout le monde, est-on tenté d’écrire, tant l’on a l’impression de tous avoir une Julie dans notre entourage. D’ailleurs Isabelle Czajka se contente finement d’esquisser très légèrement le portrait de la jeune fille, consciente de son fort pouvoir achétypal.
Cela lui permet de garder une certaine distance avec son récit, nourrissant l’imaginaire du spectateur (parents absents, appartement sans eau courante, études non reconnues…) sans lui imposer trop de détails. Emotions et moments forts sont ainsi rigoureusement évacués de l’écran, à l’exception d’une séquence d’autant plus saisissante où Julie déballe tout à coup ce qu’elle a sur le cœur à un parfait étranger, et d’une scène moins réussie de querelle familiale. Le reste du temps, on est dans le mouvement (la jeune fille n’a pas le temps de s’appesantir sur elle-même : soit elle avance, soit elle encaisse) et l’énergie communicative de quelqu’un qui veut s’en sortir. Adoptant ce rythme syncopé, les scènes s’enchaînent par bribes, entrecoupées d’ellipses et ne parvenant jamais à leur terme. On passe ainsi d’une demi-confession dans une voiture à un échange amoureux sordide dans une chambre d’hôtel, d’une scène de dispute mélodramatique à une virée aventureuse. Autant d’éléments qui, mis bout à bout, dépeignent avec justesse les difficultés et contradictions d’une époque et plus généralement d’une période de la vie où tout semble possible, mais alors uniquement sur le papier.
Pourtant, ce constat, ténu, dénué de misérabilisme, sans concession, n’a pas semblé suffire aux yeux de la réalisatrice qui voulait visiblement "dire plus". C’est probablement pourquoi, aux deux tiers du film, l’histoire bascule, le romanesque reprend le pas sur l’auscultation de la réalité, comme si quelque chose de concret devait absolument sortir de cette situation. Julie rencontre donc Ben et s’enfuit dans le sud avec lui pour vivre une existence plus facile au soleil. On aurait peut-être pu croire à cette histoire d’amour mi-salvatrice, mi-destructrice, si l’on n’avait pas déjà vu cent fois la même au cinéma, ou si elle avait essayé d’apporter un autre éclairage au personnage de Julie. Seulement il n’en est rien. Tout ce que D’amour et d’eau fraîche réussit dans la première heure, il le rate dans la dernière partie, convenue et appuyée. En tant que spectateur, on ne peut s’empêcher de penser que le personnage, le film et le sujet méritaient mieux que ce dénouement de série télé et cette pseudo-morale à l’emporte-pièce.
MpM
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