Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Killer inside me


USA / 2010

11.04.2010
 



UN ETE MEURTRIER





« - Ne dis rien Hank, tu n’as pas de texte. »

Les romans de Jim Thompson inspirent des films noirs. Parfois ratés (The Getaway, le premier The Killer inside me en 76, The Kill-off). Parfois très réussis (Série noire, Coup de torchon, The Grifters, l’un des meilleurs Stephen Frears). The Killer inside me version Michael Winterbottom fait clairement parti de la seconde catégorie.

Le réalisateur britannique a été visiblement inspiré par ce polar vénéneux qui n’en est pas un. Il s’est imaginé dans la tête d’un Serial Killer. Filmer les grandes étendues paumées de l’Amérique des Westerns (ici, le Texas) est un fantasme de tous cinéastes. Winterbottom y ajoute une dégénerescence sociologique avec un patelin où les conflits d’intérêts ne se soucient pas d’éthique. Les thèmes de Thompson – tout ce que la Bible appelle un péché, la corruption, l’ambivalence, la culpabilité – sont retransposés avec minutie. Une fidélité rare pour une adaptation. A croire que l’écriture de Thompson est cinégénique. Les culs bénis, la mentalité villageoise, l’American Dream des années 50 : Winterbottom s’amuse à distiller un portrait peu flatteur, pour ne pas dire cynique d’une Amérique pourrie de l’intérieur. Et le cinéaste aime le décalage, de la musique jazzy ou légère calquée sur une poursuite haletante et assassine. La farce est là, mais macabre.

Pour que son film fonctionne, il lui fallait justement un « héros » (plutôt un « antéchrist » en fait) parfait, un « méchant » qui a tout du « gentil ». Toujours ce décalage. Il dispose d’un atout maître avec Casey Affleck, gueule angélique et accent trainant, « un mec potable » aux airs de « boy scout » à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, et qui en profite pour donner des fessées pour améliorer sa bandaison. Ce « tueur » sans morale, manipulateur, véritable démon caché sous une image de gendre parfait et de flic sympa, est un fil conducteur machiavélique qui repousse ses limites jusqu’au final. Faut le voir siffloter après un une tuerie. Aucune pitié, que ce soit pour une jolie pute (la très jolie Jessica Alba, son alter-ego mais victime), sa fiancée « standard » (Kate Hudson, aux allures de mégère soumise), un jeune pompiste (innocent comme agneau) ou un clodo (aussi désespéré qu’humain).

Derrière cela, regard européen en bonus, le réalisateur n’hésite pas à flirter avec le SM. Les coups de ceintures cinglent autant que les coups de poings. Le plaisir et le meurtre, ce vieil Eros mixé à Thanatos, sont filmés avec la même violence, et parfois avec une dose de sensualité perverse. C’est sadique, et ni les proverbes ni la nonchalance du flic-meurtrier-sexopathe n’atténuent ce masochisme primitif. Elle lui dit « je t ‘aime » et il la tabasse jusqu’à extinction des yeux. De quoi frémir. Sans effets. Brutal. Sec. Sauvage.

Mais le scénario ne s’arrête pas à ces touches impressionnistes formant une atmosphère ténébreuse et mortuaire. Dans le match Freud vs la Bible, Affleck les renvoie dos à dos, sachant qu’aucun des deux ne résoudra ses problèmes. Personnage maudit, schizophrénique, véritable chasseur dans sa nuit interminable, ce double-face nous piège dans son issue fatale. Et les coupables avec. Car il ne saurait être le seul coupable : le procureur, le magnat millionaire, … tous doivent payer.
C’est ce qui rend The Killer inside me aussi passionnant que la liaison fatale entre le flic et la pute. On ne se contente pas d’accuser le monstre, on fait payer tous les salauds, ceux dont les crimes ne sont pas forcément entachés de sang, ais qui ont l’argent comme vice.

Avec élégance, et non sans humour parfois, la mise en scène nous enferme dans cette grande maison. Le lieu à l’origine de tout. La mère de tous ces maux. Car il a un passé, répugnant, immoral. Il faut donc tout brûler. Mais le twist final sera bien lus grandiose qu’un simple feu de camp. L’âme diabolique est retors. Winterbottom s’y complaît avec aisance. Si la vérité éclate, elle s’envole en fumée. En revanche le film, lui, ne se dissipe pas en volutes. Il reste bien là, dans un coin de nos mémoires. Comme tous les bons films noirs.
 
vincy

 
 
 
 

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