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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le bruit des glaçons
France / 2010
25.08.2010
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L'EMMERDEUR
«- Il y a des cancers pour domestiques et des cancers pour patrons. Moi je suis un cancer pour domestiques. »
Parler de la vie à travers la mort n’est pas d’une grande originalité. Lui donner un visage, une allure et des arguments l’est déjà un peu plus. Créer les conditions d’un dialogue tangible par le biais d’une rencontre physiquement palpable entre le malade et sa maladie touche au grandiose. Car la vie se résume, le plus souvent, à un combat sans fin qui n’est, fort heureusement, jamais perdu d’avance. Malgré le désespoir, la solitude, la maladie. Soit les maux de Charles Faulque, alias Jean Dujardin, écrivain alcoolique qui n’écrit plus et qui reçoit, au petit matin, la visite cordiale de son cancer, le bien nommé Albert Dupontel. Le pitch fait mouche, l’ouverture aussi. En suivant de dos, puis de face, la marche déterminée du cancer que l’on nommera D, on se dit que ce Blier tiendra toutes ses promesses. Le combat n’est jamais perdu d’avance. Réussir un excellent film non plus. Après trois errances cinématographiques (Les Acteurs, les Côtelettes, Combien tu m’aimes ?), le cinéaste septuagénaire retrouve sa verve, son style si particulier fait d’absurde, d’onirisme, de décalage, d’humour noir. Sa palette s’est même enrichi d’une gravité légère qui a pour effet immédiat de rejeter la moindre provocation gratuite. A bien y regarder, ce bruit des glaçons n’est pas vraiment corrosif, tout au plus impertinent. En tout cas Blier ose aborder de manière frontale une maladie dite « institutionnelle ». Soit, précisément, le type de challenge dont raffole notre Marco Ferreri national.
Ça valse
Le réalisateur des Valseuses est un curieux. Un peu comme son cancer, sorte d’émissaire malicieux venu inspecter l’étrange attitude d’un Charles en mode autodestruction je-m’en-foutiste. Alors qu’il pourrait tout avoir ou tout récupérer (femme, fils, gloire et respect), celui-ci veut qu’on le laisse « mourir tranquille ». C’est son choix. Mais le peut-il vraiment ? En effet, tant qu’il n’y a pas de danger imminent, rien ne coûte de mourir à son rythme, de façon pépère, comme bon nous semble. Par contre si vous franchissez la ligne blanche tout se complique, s’enraye et l’on voit débarquer à l’improviste son cancer. Le pari d’une telle scénarisation est osé puisqu’elle est conditionnée par la véracité relationnelle entre le cancer et son hôte. Casse-gueule, l’écriture ciselée proche de la pièce filmée assure l’essentiel. Mettre en place une relation unique dont nous sommes les témoins privilégiés. Pour le coup bravo au duo, impeccable d’osmose. Dupontel se régale en cancer vicieux (un cancer est, de toute façon, toujours vicieux) traversé par des moments de spleen et Dujardin nous étonne en écrivain misanthrope au bord du gouffre aux chimères.
L’association des deux personnages dynamite constamment la tonalité du film dans un numéro plus jouissif que vraiment philosophique. Ça fuse, invective, éructe. Ça dialogue, monologue, soliloque, garde le silence. Ça crée de la richesse visuelle par les mots, les regards, les attitudes. D’où cette mise en scène inspirée capable de proposer des ruptures de rythme à l’échéance en cours. Le cinéaste casse ainsi la linéarité d’un concept frôlant par moment les redites : flash-back judicieux, projection face caméra scrutatrice, mise en avant des doutes d’un cancer lui aussi fatigué, attitude nihiliste contrariée d’un Charles en réaction face à son cancer, retour du fils et ce parallèle, un brin de circonstance, entre ce qui arrive à Charles et ce qui survient à sa gouvernante Louisa. Malgré la maladie, tout semble pouvoir rejaillir de l’ancien volcan qu’on croyait éteint. Même les passions enfouies dans le souvenir lointain d’un passé radieux.
Trop belle... la vie
Le dialogue se fera désormais à trois puisque l’amour entre dans la danse. Le combat final est lancé, sorte de ballet socratique où chacun fourbit ses dernières armes. Blier enrhume sa valse diabolique pour placer au cœur de son dispositif relationnel l’idée d’une résolution par l’amour. Le changement sonne a contrario des films comme Buffet froid, Préparez vos mouchoirs ou encore Mon Homme. Rien d’anormal si nous considérons que le duo est composé d’un personnage porteur d’une maladie. Reste la gouvernante Louisa. Magistralement interprétée par une Anne Alvaro touchante de justesse, elle représente la mère de substitution, l’amoureuse secrète, celle qui sera toujours là quoiqu’il arrive. La femme serait donc le remède à cet absolu recherche de solitude dans la déchéance et puis la mort. On peut considérer l’échappatoire vaine, facile, opportuniste. Faux ! La maîtrise formelle du film lui donne, au contraire, une audace véritable qui touche au but. Peu importe les approximations philosophiques d’une réflexion sur la mort n’osant pas sonder le tréfonds de l’âme humaine. Sans être mièvre pour autant, Le Bruit des glaçons assume, dans la rigueur de travellings glissant sur les corps enlacés de Charles et de Louisa, sa morale de l’amour triomphant. A moins de voir l’épilogue comme un dernier de pied de nez burlesque d’un metteur en scène qui n’a pas fini filmer son dernier plan ni de fumer sa dernière pipe.
geoffroy
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