|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Black Swan
USA / 2010
02.03.2011
|
|
|
|
|
|
UN AMOUR DE SWAN
Un film initiatique autour de la danse, quoi de plus classique ? Mais
quand c'est Darren Aronofsky aux manettes, l'enjeu diffère. Les attentes
aussi. Heureusement, le réalisateur assure, une fois de plus. S'il garde
la trame traditionnelle de ce type d'intrigue (promotion soudaine, doutes,
jalousies, passion, et même romance entre le prof et son élève...), il y
brode un thriller psychologique de son cru, sombre et anxiogène, où tout
est en permanence incroyablement juste. A commencer par Natalie Portman,
surprenante en femme-enfant terrorisée, jouant sur toute la gamme des
émotions allant de la rigidité à l'exubérance. Rarement on l'aura vue
aussi habitée par un rôle, et aussi impressionnante.
Coté mise en scène, c'est aussi une réussite, tant le réalisateur parvient
à installer une ambiance inquiétante, aussi crédible lorsqu'elle confine à
la folie que dans une tonalité plus fantastique. Tantôt ce sont de gros
plans sensuels sur le visage et le corps des acteurs, tantôt des plans
plus larges dans lesquels on peut facilement lire la solitude affective de
Nina, seule dans la salle de répétition ou dans sa chambre. Le trouble
vient de l'absence de frontière entre fantasmes et réalité, qui plonge le
spectateur dans le même état de paranoïa que l'héroïne. Les séquences
hallucinatoires sont même suffisamment réalistes et brèves pour
systématiquement planer le doute.
Mais au delà de ces qualités, impossible de ne pas être frappé par les
similitudes scénaristiques et thématiques entre Black Swan et le
précédent film de Darren Aronofsky, The wrestler. Il s'approprie
en effet les rouages de la danse avec la même acuité que ceux du catch. A
savoir discipline de fer, souffrances physiques, esprit de compétition et
sens inné du sacrifice. Et c'est justement dans ces éléments que s'ancre
la psychologie du personnage : c'est parce qu'elle est une danseuse, prête
à tout pour son art, que tout vacille peu à peu autour d'elle. Car comment
supporter cet explosif cocktail qui allie tout à la fois des exigences de
contrôle et de lâcher prise, de technique et d'émotion, de perfection et
de spontanéité ? Nina, comme Randy "the ram", refuse de renoncer à une
passion dévorante qui est sa seule raison de vivre.
Et si cela fonctionne mieux que dans The wrestler, c'est que
l'intrigue se concentre uniquement sur Nina et son obsession de
perfection, donnant à l'ensemble une densité supérieure. D'autant que le
film utilise avec habilité le ballet qui est au cœur de l'histoire, le
Lac des cygnes, comme parallèle au parcours de son héroïne. La danse
et la musique ne sont plus des prétextes mais au contraire matière brute
qui a besoin de l'intrigue pour prendre sa véritable ampleur. Le cygne, sa
symbolique et son histoire, ne sont évidemment pas là par hasard. On y
lira même les métaphores que l'on veut sur l'adolescence et l'age adulte,
ou le moi et le surmoi. On y trouvera surtout une véritable allégorie du
film, majestueux, aérien et désespéré. MpM (Venise)
|
|
|