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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Potiche
France / 2010
10.11.2010
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OUI FEMME
"- C'est pas ma place dans la cuisine, c'est pas
ma place au badaboum... elle est où, alors, ma
place ?
- Voyons, Suzanne, ne pose pas de questions idiotes."
Pour son grand retour à la comédie, François Ozon adapte une pièce de théâtre (Potiche de Pierre Barillet et Jean-Pierre Gredy) qui se déroule à la fin des années 70 et cristallise tous les grands enjeux sociaux de l'époque. L'intrigue en elle-même (l'émancipation d'une femme que chacun perçoit comme la parfaite mère au foyer) est relativement simpliste, presque formatée, mais le réalisateur brode autour tout un faisceau de situations qui, jouant sur la connivence avec le
spectateur, permettent une double lecture.
Ainsi, Ozon en profite pour définitivement désacraliser Catherine Deneuve, impeccable bourgeoise romantique qui écrit des poèmes sirupeux et court avec entrain dans un horrible survêtement, version rougeoyante de celui d'Uma Thurman dans Kill Bill, bigoudis sur la tête. La parfaite "potiche" à qui son mari interdit de penser par elle-même, enfermée dans le carcan strict de
l'apparence.
De la même manière, l'époque sert de prétexte pour parler de lutte des classes et de libération de la femme, tout en donnant à certaines situations une résonance particulièrement contemporaine. Comme ce patron ultra-capitaliste qui prône les vertus du "travailler plus pour gagner plus" et crie "casse-toi pauvre con" à qui veut lui inculquer quelques valeurs humanistes.
Les syndicats en prennent eux-aussi pour leur grade, stéréotypés à l'extrême, et finalement plus heureux dans la lutte et l'opposition que dans la conciliation.
Avec ses couleurs acidulées, sa musique guillerette et ses dialogues très écrits, Potiche ne craint ni l'exagération, ni le maniérisme. On est bien dans la comédie bourgeoise volontairement ultra-légère, où chaque réplique fait mouche. Ce comique de situation se double d'ailleurs d'une complicité tacite avec le
spectateur qui a le recul historique pour se moquer de ce que l'on pensait en 1977, voire dresser de savoureux parallèles entre les deux époques. Car à la réflexion, certains combats restent d'actualité... Et même si les rebondissements sont parfois convenus, voire simplistes, on prend plaisir à en admirer le cheminement et la mécanique.
Comme dans une symphonie, chaque acteur interprète sa partition avec virtuosité et inventivité, en harmonie avec les autres. On voit bien qu'ils éprouvent du plaisir à être ensemble et à se laisser diriger par le petit grain de folie de leur réalisateur. Deneuve, Luchini, Depardieu... tous jouent avec leur image autant qu'avec leur personnage. Car exactement comme 8 femmes, auquel il ne manquera pas d'être comparé, Potiche parvient à s'émanciper d'une trame
relativement classique pour devenir un hommage au cinéma et à ses étoiles. Deneuve avec son chignon nous rappelle sa Marion du Dernier métro. Le théâtre répond au théâtre, par l'écho de deux films radicalement différents. MpM (Venise)
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