Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Elle s'appelait Sarah (Sarah's Key)


France / 2010

13.10.2010
 



COMME UN BOOMERANG





«- C’est toujours plus facile après de comprendre.»

La même année que La Rafle (celle du Vel d’hiv), un autre film français évoque cet épisode noir de l’occupation durant la second guerre mondiale. Sans doute parce que l’histoire ne se concentre pas seulement en juillet 42, le film de Gilles Paquet-Brenner parvient à nous captiver davantage. De même, les personnages, et les comédiens qui les incarnent, nous paraissent plus crédibles et plus justes.

De facture classique, le réalisateur se sort bien des périls du roman de Tatiana de Rosnay : les allers et retours dans le temps, les explications pédagogiques, les non-dits psychologiques. Il n’appuie pas trop sur les clichés : la conscience tranquille, la culpabilité… Elle s’appelait Sarah, c’est avant tout l’histoire de deux femmes séparées par leur époque mais dont le destin va les unir. L’une part, l’autre reste. Leurs trajectoires ont dévié avec une seule révélation : l’horreur d’un petit garçon enfermé dans un placard, pudiquement filmé, et le traumatisme que cela entraînera sur les générations suivantes. Cela suffira à nous intriguer jusqu’au bout.

Pur mélodrame, dotés de jolis plans et d’une musique sans fausse note, l’oeuvre alterne une facette documentaire (notamment avec le discours du président Chirac) et une investigation qui renvoie au travail de mémoire. Effacer la honte par l’obligation de ne pas oublier semble être le moteur, honorable, du film. Ce devoir de vérité est bien mieux mené que dans La Rafle, définitivement trop académique. En filmant aussi les séquelles que cela peut laisser à travers les décennies, Paquet-Brenner fait résonner un fait historique dans l’actualité. Car, hélas, le film fait écho à nos propres politiques de stigmatisation, de rejet…

Bien sûr quelques facilités nous permettent parfois d’anticiper aisément certains drames. On devine que tout cela va finir de manière harmonieuse, que la boucle sera bouclée. Le déterminisme l’emporte sur le fatalisme, mais surtout le romanesque reprend ses droits sur l’enquête historique.

Elle s’appelait Sarah restera comme une œuvre populaire, au bon sens du terme, puisant sa vitalité dans les cassures, même invisibles, et chargée d'émotions. La rupture de « caténaire » de la vie de Sarah, qui a fait un choix qui la hantera toute sa vie, qui ne se remettra pas de sa décision, et surtout de la vision atroce qui en résultera, malgré sa survie, son courage, sa force. Les fêlures qui fragiliseront Julia, la détourneront de sa vie bourgeoise installée et épanouie. Comme des cicatrices qui se multiplient : celles du regard des autres, de la passivité pour ne pas dire des mensonges de son mari, de la découverte de vérités, toutes plus violentes les unes que les autres, jusqu’au refus des principaux concernés de l’accepter. Elle mue. Change de peau. Passe de journaliste à enquêtrice. D’épouse à une femme libre. Il faut alors saluer l’immense talent de Kristin Scott-Thomas, capable d’exprimer tous les reliefs de son personnage, et de porter sur ses épaules un film si lourd, sans excès. Avec ce qu’il faut de larmes, de voix sèche et de sourires. Car, après tout, ce film de fantômes respire la vie à pleins poumons.
 
vincy

 
 
 
 

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