Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Fin de concession


France / 2009

27.10.2010
 



LE JOURNALISME EST UN SPORT DE COMBAT





« Je n’ai jamais censuré quoi que ce soit ! (Hervé Bourges) »

Le journalisme, c’est un peu comme la résistance. Avant d’être confronté à la réalité, il est facile de s’imaginer en pourfendeur de nazis. Eh bien là, c’est la même chose. A l’abri dans notre salon, on s’imagine naïvement que « la connivence ne passera pas par moi ». Et le lendemain, on se retrouve en train de tutoyer un puissant en riant de bon cœur à ses blagues. Vient le doute, la remise en question, un dernier sursaut de fierté. Ou pas.

Le dernier film de Pierre Carles, en tout cas, est un sérieux électrochoc pour tout journaliste confronté à ce type de problématiques mais aussi pour tout lecteur / spectateur / auditeur un tant soit peu avisé. Car son principal propos est d’amener le spectateur à réfléchir et à se poser des questions sur ce qu’il voit. En deux mots, lui ouvrir les yeux sur ce qui lui semble d’habitude aller de soi. L’idée n’est pas tant de jeter un vent de suspicion sur la presse française, ou de renvoyer tout le monde dos à dos sur l’air de « tous pourris », que de (r)éveiller les esprits critiques et rappeler le risque qui guette les journalistes à tous les niveaux. Car la connivence, souvent condamnée dans les grandes sphères du pouvoir, se décline également au niveau local, culturel, sportif, social… En gros, partout où les intérêts de chacun, l’amitié ou encore l’habitude, émoussent l’esprit critique.

documentaire hybride et hilarant

Bien sûr, Pierre Carles fait ça à sa manière, plus « poil à gratter » que structurée, probablement parce que la dérision et la moquerie sont les dernières armes à sa disposition. Qu’il organise un event complétement barré contre David Pujadas, se déguise en cameraman sud-américain ou poursuive en vain une impossible conversation avec Jacques chancel (perpétuellement en réunion, le gag récurrent du film), le cinéaste ne prend rien ni personne au sérieux, surtout pas lui-même. Non seulement c’est souvent hilarant, mais en plus cela permet de désamorcer sa posture de "chevalier blanc" qui, prise au premier degré, serait intenable, car trop extrême. En se montrant sous un jour parfois volontairement défavorable (notamment lorsqu’il se laisse embobiner par une jolie femme, ou flatter par un plus puissant que lui), Pierre Carles évite de passer pour un donneur de leçons, ou de donner l’impression qu’il se croit meilleur que les autres. Il en joue au contraire ironiquement pour démonter le processus et prouver implicitement qu’il s’agit d’un combat de chaque instant. Plus un idéal à atteindre qu’un état de grâce qui serait donné à certains, et pas à d’autres.

Tout le film repose ainsi sur un énorme travail de montage qui mêle images d’archives (souvent édifiantes, comme les répétitions de l’équipe Bouygues, orchestrées par Bernard Tapie avant la privatisation de TF1), voix-off à la première personne, interviews (des chefs d’œuvre de mauvaise foi quand il s’agit de Jean-Pierre Elkabbach, d’Etienne Mougeotte ou de Charles Villeneuve) et "coulisses" du film. Il ne faudrait pas avoir la naïveté de croire que Pierre Carles laisse filtrer par accident entrevues ratées, dérapages ou moments de doute. Tout incite le spectateur à tirer ses propres conclusions, qu’il soit sensible au discours du cinéaste, ou au contraire totalement réfractaire. Car l’idéologie marche dans les deux sens et c’est sans doute le reproche que l’on pourrait adresser à Pierre Carles, s’il ne prenait les devants en affichant sans vergogne ses opinions, sympathies et mésententes.

film à charge... où surgit l'émotion

De toute manière, le cinéaste, ne laisse planer aucun doute sur le sujet : il s’agit d’un film à charge, défendant la thèse de son auteur sans autre contrepoint que les propos (souvent vides de sens) glanés ici ou là dans les images d’archives. Certains jugent le procédé condamnable (de même que le manque de "principes" du journaliste, qui n’hésite pas à filmer ses interlocuteurs en cachette ou contre leur gré), mais on a dû mal à croire en leur apparente naïveté. Il ne s’agit pas d’un débat politique arbitré par le CSA ! Et trêve d’hypocrisie, dans un "essai" de ce type, on n’utilise d’ordinaire guère les "arguments" de ses adversaires que pour les contredire (au mieux) ou les tourner en ridicule (au pire). Rien de neuf depuis Michael Moore, donc.

Non, la véritable surprise de Fin de concession vient de la séquence où Pierre Carles laisse paraître son découragement. Peu importe au fond qu’il s’agisse d’une scène fictive ou réelle, tant ce petit moment de doute éclaire tout le reste du film. Le cinéaste y apparaît abattu, plus vraiment sûr de pourquoi il se bat et conscient de la lourdeur de la tâche qu’il s’est fixée. On croit voir défiler autour de lui toutes les déceptions, toutes les défaites et surtout toutes les victoires vaines, puisque rien ne change vraiment. L’espace d’un instant, l’émotion est communicative. Puis Pierre Carles repart au combat, insatiable trublion qui à défaut de changer le monde, le fait rire et le met avec ironie face à ses contradictions. Le spectateur, lui, reste un moment rêveur, plus touché qu’il ne l’aurait cru, et brûlant tout à coup de prêter main forte à l’éternel Don Quichotte du PAF.
 
MpM

 
 
 
 

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