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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'Homme qui voulait vivre sa vie
France / 2010
03.11.2010
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UN HOMME DISPARAÎT
«- Je crois que le moment le plus dur c’est quand j’ai su que je n’avais plus d’avenir. »
Il faut croire que les transpositions de polars américains sur le sol français réussissent à de « jeunes » cinéastes. Après l’efficace Ne le dis à personne de Guillaume Canet, cet Homme qui voulait vivre sa vie d’Eric Lartigau surprend autant qu’il séduit. Cet habitué des comédies, potaches ou romantiques, s’est élégamment glissé dans ce film plus gris foncé que noir adapté d’un excellent roman de Douglas Kennedy. Un film qui est davantage suspendu qu’à suspens.
La principale réussite du scénario est de ne jamais lâcher cet homme : un avocat parvenu, prospère, essayant d’être un bon père, se plantant en tant que mari. Romain Duris l’incarne sans accros et avec sensibilité. Même lorsque son destin dévie, la caméra ne laisse pas sa proie s’échapper et les frêles épaules de ce paria qui tente de s’acheter une liberté absolue (puis de racheter un crime accidentel) supportent facilement tous les tourments et toutes les peurs qu’il subit.
Mais la mise en scène n’est pas en reste. La photographie, le montage et la musique viennent en renfort de ces plans larges qui rendent son personnage aussi perdu que déboussolé. Le cadre contextualise en permanence les personnages. Marina Foïs, magnifique femme trompeuse, n’est filmée que dans un cadre chaleureux et familial, tant qu’elle est son épouse. Du moment où elle rompt, ou tente de rompre, elle n’est vue que dans des extérieurs, là où l’intimité n’est plus possible. Catherine Deneuve, admirable mentor et patronne au bord d’un gouffre, respire à l’air libre, en flânant, loin des oreilles indiscrètes. Elle n’est « enfermée » dans un restaurant que pour y livrer sa confession. Littéralement, elle interprète un mec, un « pote », un de ces vieux de la vieille à qui on ne l’a fait pas. En écho, Duris croisera l’équivalent de Deneuve, au masculin, dans les Balkans en la personne de Niels Arestrup. Même blondeur, même détachement, même acuité intellectuelle, même amour de l’alcool et même refus des conventions.
Construit avec précision, le film multiplie les parallèles. Comme ce corps tué par hasard qui vient trouver sa tombe dans les abysses de l’Atlantique et l’autre qui est sauvé par bravoure dans les vagues de la Méditerranée. Souvent plus suggéré qu’expliqué, le film profite d’un personnage qui devient presque mutique, qui essaie d’être invisible, qui devient finalement un anti-héros de cinéma, un fuyard sans but, un égaré contraint de n’être en vie qu’à travers les personnes qu’il rencontre ou celles qu’il photographie. Un homme qui se cache avant de mourir.
Lartigau n’a pas non plus perdu le fil du roman de Kennedy, qui donne le titre au film. Un homme qui veut mener sa vie, et non la subir, qui veut se débarrasser de ses responsabilités, de ses contraintes, qui veut remettre à zéro tous ses choix, au nom du père, plutôt que pour lui. Un homme qui veut retrouver une liberté mais aussi qui veut concrétiser ses rêves. L’Itinéraire d’un enfant gâté de Lelouch évoquait déjà cette volonté d’en finir avec son passé. Renoncer à une forme de vie est tout aussi difficile que de se débarrasser d’un cadavre. C’est évidemment plus facile quand on est confronté indirectement ou directement à la mort, l’absence d’amour, l’amoralité de ses actes. Car s’il a un alibi, si le meurtre est un accident, il assume parfaitement le résultat et en fait un crime abjecte. Il choisit alors d’être hanté à jamais, coupable, et de se couper des siens. Jusqu’à cette photo familiale qui sera brûlée : des souvenirs en cendre. Il ne sera plus personne au bout (au début ?) de sa route.
En intervertissant les destins, en l’envoyant de l’autre côté de l’Europe, Lartigau se permet finalement de filmer deux histoires. De manière fluide, il nous fait passer d’un monde à l’autre. Même si rien d’original ne survient, on se laisse happer par ce basculement. Le cinéaste installe une inquiétude, une parano, un mystère.
Vampire qui capte la vie des autres après être passé à côté de la sienne, l’aventurier s’en va pour de nouveaux horizons. La fin est ouverte. Il est clandestin de ce monde à jamais. Le film, alors, se révèle ainsi énigmatique. Thriller sans coupable réel, drame romantique sans retrouvailles ni renaissance, L’homme qui voulait vivre sa vie n’est finalement qu’une longue errance menacée.
vincy
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