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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Un balcon sur la mer
France / 2010
15.12.2010
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LES MAUX POUR LE DIRE
Nicole Garcia aime explorer les zones d’ombre de l’être humain. Elle aime se placer dans un quotidien en apparence banal pour le détruire petit à petit. Dans Un balcon sur la mer, elle fait vaciller la vie de Marc (Jean Dujardin), agent immobilier, travaillant avec son beau-père, marié et père d’un enfant. Un type impeccable, que beaucoup admire et une vie rangée. On retrouve un peu l’image (moins fragile) du personnage de L’adversaire, cette même fissure en eux qui met tout en péril. Mais chez Marc, c’est la réapparition d’une amie d’enfance (Marie-Josée Croze) qui provoque chez lui une grande confusion. Cette belle femme blonde ramène à Marc à la fois de l’amour et du plaisir (ils s’aimaient étant enfants) mais aussi des blessures qu’ils avaient oublié.
Nicole Garcia se sert dans le film de sa propre histoire et utilise comme toile de fond la guerre d’Algérie, avec ses conséquences : une partie de ses habitants qui a du quitter le pays pour tout recommencer à zéro en France. Marc a cela en lui, ce côté neuf, poli. Il porte une belle carapace forgée par l’oubli mais derrière, il est aussi fragile que du verre. Le personnage de Marie-Josée Croze le fissure littéralement, tout d’abord parce qu’elle ne ravive le souvenir que partiellement et ensuite parce qu’elle est entourée de mystères. Grâce à elle, Marc ne se remémore qu’une partie de son passé et c’est sa famille qui lui rappelle combien il a souffert.
Alors, c’est un peu une seconde naissance pour lui, ou tout du moins une prise de conscience. La cinéaste dissèque son personnage masculin et l’oblige à mettre à nu ses racines et ses maux. Marc, en partant à la recherche de la vérité sur cette amie d’enfance, découvre peu à peu d’où il vient. Nicole aime ces hommes solides et vulnérables, séduisants et faillibles.
Mais elle aime aussi les actrices (ô combien importantes dans son cinéma). Le personnage de Marie-Josée Croze est complexe mais admirablement incarné. Elle constitue d’ailleurs avec Jean Dujardin le seul véritable intérêt du film. Elle est présentée comme une femme fatale : blonde, les cheveux courts, un tailleur strict, la ligne légère et séductrice, le regard à la fois beau et triste. Elle attire car elle semble « intouchable ». C’est une femme qui, au premier abord, se place aux dessus des autres. Belle, désirable, érotique, Marc veut la posséder mais il devra attendre son consentement. À l’inverse de Marc, elle porte depuis son enfance les blessures du passé, tout est gravé en elle.
Durant tout le film, on contemplera donc ce jeu d’acteurs. Jean Dujardin, son assurance, son phrasé posé, ce côté colosse au pied d’argile. Marie-Josée Croze, qui peut tout jouer, de ce charisme assumé à ce besoin d’être protégée. Nicole Garcia met une fois de plus en avant son métier de comédienne en donnant la part belle à d’aussi beaux personnages. Cependant, il aurait été plu plaisant qu’elle fasse preuve d’inspiration pour le reste.
Un balcon sur la mer est parfois d’un profond ennui. L’histoire piétine, il n’y a pas de rythme alors on se met à espérer une nouvelle partie de jambes en l’air, un nouvel accident et pourquoi pas une course-poursuite, n’importe quoi qui empêcherait la réalisatrice de filmer encore et encore le visage « vide » de ses acteurs. Ce n’est pas le jeu des acteurs qu’il faut remettre en cause mais l’usage abusif de ces plans à rallonge qui ne montrent rien. A vouloir signifier le mystère, on ne trouve que l’ennui ! Ce vertige exaspérant qui ne conduit qu’à un sentiment de dépit, au lieu de nous enivrer.
Typique film d’auteur à la française, il n’a rien à dire. Et le spectateur l’a déjà évacué dans ses souvenirs. Même pas mal. Pas une cicatrice. Rien qui ne nous touche, en profondeur, comme dans ses premières réalisations. Garcia met quatre ans à faire un film, et depuis L’Adversaire, on doute. Il lui manque l’envie, le style qui faisaient sa marque.
benjamin
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