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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les émotifs anonymes
France / 2010
22.12.2010
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CENT PEURS ET SANS PROCHES
"- J’ai peur.
- de quoi ?
- d’à peu près tout."
Cinéphiles, anonymes ou non, précipitez-vous devant cette jolie comédie colorée et fine où les timides, les hyper-émotifs et les maladroits de la vie prennent enfin leur revanche après des siècles d’oubli ou de moqueries. Cette fois, ce sont eux les héros, et ils démontrent avec brio que ce trop plein d’émotions qui les encombre peut aussi se transformer en une formidable énergie.
D’un point de vue purement cinématographique, c’est bien sûr un excellent ressort comique et dramaturgique, dans la mesure où les personnages sont leurs propres ennemis, posant eux-mêmes les barrières qui les séparent du bonheur. C’est ainsi pour Jean-Pierre Améris l’occasion de détourner mille petites situations du quotidien (un entretien d’embauche, un premier rendez-vous, une conversation entre collègues…) qui, vécues avec la perception particulière des personnages, peuvent tourner au cauchemar. Et si l’on rit (souvent, et de bon cœur), c’est que leurs maladresses et leurs peurs font étrangement écho aux nôtres. Qui n’a jamais été à cours de sujet de conversation lors d’un calamiteux dîner en tête à tête ? Qui n’a jamais bredouillé des paroles incompréhensibles à un moment-clef de sa vie ?
La force du récit repose sur une grande simplicité dans la construction et le déroulement de l’intrigue. Chaque face à face entre les deux protagonistes permet ainsi de faire progresser l’histoire tandis que les réunions des émotifs anonymes et les séances chez le psy sont l’occasion de connaître l’évolution des sentiments de chacun. Ces deux types de séquences se répondent d’un bout à l’autre du film, montrant parfois l’adéquation et souvent l’opposition entre ce que les deux héros souhaitent ou éprouvent, et la manière dont ils agissent en réalité. Toute la tension des personnages (entre leur désir d’exister pleinement et leur peur de le faire) est de ce fait perceptible sans avoir besoin d’être clairement exprimée.
L’écriture subtile de Jean-Pierre Améris vient par ailleurs renforcer la légèreté pétillante des situations. On sent affleurer à maintes reprises l’amour que le réalisateur porte au cinéma en général et à la comédie romantique en particulier, notamment dans ses choix esthétiques quasi atemporels. Même ses personnages semblent un peu d’un autre temps, lunaires et désuets, incarnés à la perfection par Isabelle Carré (que l’on croirait tout droit sortie d’un film de Howard Hawks) et Benoit Poelvoerde, qui a brutalement un petit quelque chose de Cary Grant et James Stewart. Lorsqu’il dit avec une sincérité désarmante, "Je n’ai pas de problème avec les femmes. Elles me terrorisent, c’est tout.", on est tout simplement sous le charme. C’est là le meilleur atout du film : faire naître l’émotion derrière la fantaisie et la légèreté, ce qui est le secret des comédies réussies. Merci pour le chocolat.
MpM
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