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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bas Fonds
France / 2010
29.12.2010
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FILLES PERDUES, CHEVEUX GRAS
«<-i> Ta gueule, ta gueule, ta gueule...ton cul papier cul, ton cul papier cul, ton cul papier cul... »
Bas-fonds est le troisième film de la jeune réalisatrice Isild Le Besco. Et on a vraiment l'impression d'atteindre la limite du supportable en ce qui concerne la mise en scène de la misère sociale, de l'obscénité et de la bestialité.
L'intrigue est plutôt simple, tirée d'un fait divers. Trois femmes, Magalie, Marie-Stephanie et Barbara, vivent à la limite de la société, à l'état quasi-sauvage dans un appartement de province. La pauvreté envahit chaque plan, s'immisce même dans le corps des actrices, leurs cheveux , leurs vêtements et leur quotidien. Tout est gras, sale, vieux et défoncé. Elles vivent dans une porcherie, sont constamment bourrées (comme anesthésiées) mais c'est bien là le cadet de leur soucis. On voit Magalie, chef de clan, envoyer les deux autres chercher à manger et de l'alcool, pendant qu'elle reste, atone, devant la télé. Seul lien avec le monde extérieur, qu'elle regarde cryptée.
Bas-fonds aurait très bien pu s'appeler « huis clos » tant on a l'impression d'étouffer. Tout fait penser à une cage dans laquelle trois bêtes vivent, se reniflent, se battent et se blessent. Magalie, qui est l'amante de Barbara et la soeur de Marie-Steph, ne parle qu'à travers des cris démoniaques où elle laisse exploser toute sa rage. Le film est déroutant et « raw » comme on pourrait dire en anglais. Seule la voix off et les explications donnée par Barbara vers la fin permettent d'entrevoir un peu de lumière sur les personnages et ce qui s'est passé dans ce flash-back cauchemardesque. Mais la cinéaste ne cherche jamais à rationaliser les actes et les faits, comme si ce n'était pas vraiment important.
Isild Le Besco réussit à rendre palpable ce que veut dire « être » à la marge de tout: de la société -seule Barbara travaille - de la folie - Marie-Steph répète inlassablement des bribes de phrases incohérentes - ou encore de la bestialité, incarnée par Magalie. Les actrices épousent parfaitement leur rôle, on les sent lessivées et désoeuvrées dans ce monde qui décidément ne leur appartient pas et dans lequel elles vivent malgré tout. Cour des miracles modernes où elles ne cherchent pas à s'adapter ni à se battre, mais plutôt à se laisser aller jusqu'à la prochaine heure, le prochain jour... Jusqu'au moment où cela dérape et qu'une action vient briser le fragile équilibre qui régnait dans leur appartement. C'est à partir de ce moment-là que le mot « bas-fonds » prend tout son sens.
Il est presque dommage que les sentiments ne surgissent qu'à la fin du film, à travers le personnage de Barbara, celui qui a un lien réel avec la société. Car il faut du courage, voire une certaine abnégation cinéphile pour réussir à entrer dans cet univers. Pourtant nous sommes étrangement et facilement happés par l'aspect glauque et pathétique de l'histoire. Les émotions des personnages étaient sans doute trop verrouillées. Mais, une fois débloquées, ces émotions contenues renforcent la vérité finale. Lorsque Barbara livre sa version des faits à la fin du film, on regretterait presque que l'émotion ne nous ait pas saisit la gorge plus tôt. Cependant elle nous hante longtemps...
sarah
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