Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La barra (El vuelco del Cangrejo)


Colombie / 2009

19.01.2011
 



EN TRANSIT





"Quand tu prends sans rien donner, ça finit toujours mal"

Daniel, le personnage principal de La Barra, est comme un félin lancé à toute vitesse et qui soudain bute contre un infranchissable obstacle. Aussi souple et silencieux que l’animal, et cherchant comme lui à passer malgré tout. A la différence près que les moyens à sa disposition sont plus policés : la persuasion, l’attente, l’argent, jamais la violence ou la colère. Comme si, au fond, il n’était pas fâché de cette pause soudaine.

Tout voyageur en transit forcé connaît cette sensation d’attente mâtinée d’ennui et de désœuvrement, mais aussi la manière dont elle exacerbe nos sens. Dans cette parenthèse de vie, on est plus attentif à ce qui nous entoure, et aux petits détails qui constituent ces existences parallèles que l’on frôle. Ces êtres que le personnage rencontre fugacement semblent tout à coup plus intéressants parce qu’il sait qu’il n’est pas obligé de sortir de son rôle d’observateur et de s’impliquer. Ainsi la caméra s’attarde-t-elle sur les visages de ces compagnons d’un jour : joueurs de foot, ados accros à l'alcool et aux cigarettes, femmes chantant la complainte des épouses de marin…

Il s’agit d’ailleurs plus du fruit du hasard que d’une volonté consciente si Daniel se lie avec deux jeunes désœuvrés et une fillette opiniâtre. Ce sont eux qui le recherchent, et, au départ, par intérêt financier plus qu’amical. On n’est pas dans l’un de ces films résolument optimistes (certains diraient naïfs) où deux êtres que tout oppose tissent une profonde et indéfectible amitié en quelques jours. Ou en tout cas, Oscar Ruiz Navia prend garde à en atténuer le trait. Aussi les rapports entre les individus se limitent-ils à quelques paroles échangées, une bouteille que l’on se passe, des instants volés au quotidien. Ce n’est ni exprimé verbalement, ni montré pompeusement.

On perçoit en revanche le fragile équilibre de cette communauté suspendue à des sources de revenus plus que limitées : la pêche, la débrouille, et le tourisme épars. En quelques scènes ténues, le réalisateur esquisse la réalité économique et sociale du village : la disparition des poissons à cause de la surpêche industrielle, l’opposition entre les traditions de la communauté native afro-colombienne et la modernité que cherchent à imposer les propriétaires blancs, la peur de se perdre au contact de l’autre… Même l’actualité colombienne s’invite par le biais d’une télévision que, pourtant, personne ne regarde jamais.

C’est ainsi tout un monde sur le point de disparaître que met en scène Oscar Ruiz Navia. Il le fait avec une grande pudeur et une compréhension implicite de ceux qu’il filme, qui lui permet de ne pas risquer l’exotisme à tout prix, ou l’anthropologie binaire. Dans son regard, on sent du respect et de l’empathie. Comme Daniel, son double de fiction, il est un témoin impuissant et de passage, qui observe à distance la lutte ancestrale et inévitable entre des courants humains contraires. Sans prendre parti, sans compter les points. Juste pour savoir, transmettre et se souvenir.
 
MpM

 
 
 
 

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