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«- Allo, Michel, tu es où? Est-ce que tu peux arrêter de me faire peur? »
Propriété Interdite a tous les attraits du film d'horreur. Un couple, issue de la bourgeoisie d'une banlieue chic parisienne, passe un week-end dans la maison familiale de la femme, où son jeune frère s'est suicidé. Il doivent débarrasser la maison pour la vendre. Le plancher craque, l'électricité saute et se rallume sans raison, et rapidement, ils découvrent un passage dans le sous-sol qui relie la maison à l'extérieur. La thématique de l'étranger, s'infiltrant dans la maison par ce passage, se voit connoté de plusieurs sens. Tout d'abord, Claire, jouée par Valérie Bonneton, voit en cet homme la réincarnation de son frère perdu. Cet homme est aussi un étranger car il ne parle pas le français, et Benoît, le mari de Claire, joué par Charles Berling, le voit comme un voleur, qui s'incruste dans la maison et dans son couple.
Hélène Angel nous livre ici un film à plusieurs niveaux. La situation de départ est plutôt classique, et au lieu d'avoir un film d'épouvante, on regarde plutôt un film à suspense, tendance série B, mais aussi profondément ancré dans la psychologie. Le personnage de Claire, on retrouve avec plaisir Valérie Bonneton dans un rôle bien plus intéressant et riche que celui dans Les petits mouchoirs, est en permanence sur les nerfs et angoissée, et elle tombe rapidement dans la peur et le fantasme. Basculant dans un monde entièrement coupé de la réalité, elle laisse des messages sur le répondeur de son frère, elle nourrit et accueille cet étranger qui ne fait que l'utiliser, la violenter et la manipuler. La folie s'immisce très clairement dans la réalité du personnage, présente dès le début dans ses cauchemars. Un grand classique de ce genre de films (de Bergman à Kidman, toutes les actrices rêvent de ce genre de rôles).
Benoît, le mari, est un personnage secondaire clé. Il représente la figure rationnelle et pragmatique. Il se montre tout à tour protecteur, dominant et moralisateur. Il veut faire passer sa femme pour une folle, alors qu'au fond il est apeuré par cette maison, les souvenirs de sa femme, ce suicidé, cet étranger forcément menaçant car déstabilisant, etc. Tout cela fragilise son mental, son couple et son quotidien, qu'il a l'air de maîtriser si bien d'habitude. N'est-il pas plus fou que sa femme en voulant reboucher constamment ce passage qui est une brèche dans la sécurité de cette maison.
Le titre, Propriété interdite, fonctionne lui aussi à plusieurs niveaux. Il fait bien entendu référence à cette maison, si inhospitalière et qui semble jouer des tours à ses locataires de passage. Elle est aussi en théorie interdite à cet étranger, qui y vient chercher nourriture et argent et qui doit passer en clandestin. Ce trou, c'est la métaphore des angoisses de chacun des personnages, et ils vont tous le traverser un à un. Il va par ailleurs se révéler être un piège mortel. Le film cherche peut-être à nous montrer qu'entre la folie et la peur, qu'entre la violence et le fantasme, il n'y a qu'un mince passage, dans lequel on peut se retrouver prisonnier. Voire piéger. sarah
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