Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Angèle et Tony


France / 2010

26.01.2011
 



LIBERTÉ SOUS CONDITIONS





«- C’est pas comme ça les fleurs. Les fleurs c’est d’une couleur.
- Il a qu’à les faire ses fleurs.
»

Les deux prénoms s’allient peut-être bien mais, en apparence, rien n’est harmonieux entre Angèle, secrète, bouillante, impulsive, imprévisible, sauvage, et Tony, pudique, raisonné, travailleur, responsable, généreux. La première sort de prison pour avoir tué (accidentellement ?) son mari, le second tente de faire le deuil de son père disparue au large. Physiquement, c’est pareil : Angèle est fine, jeune, jolie, tendue. Tony est rond, plus âgé, banal.

Le film débute avec une baise clandestine et spontanée. Angèle se perd comme ça. Elle cherche un homme, un mari, pour pouvoir récupérer son enfant, gardé par ses beaux-parents. Son passé n’est pas si mystérieux, elle le traîne juste comme une honte, mais son instabilité l’empêche de parvenir à ses fins pour l'effacer, l'envoyer balader.
Tony cherche une épouse, alors qu’il vit encore avec sa mère. Pêcheur normand, il cherche une femme qui lui corresponde. Leurs certitudes vont éclater au fur et à mesure qu’ils se frotteront l’un à l’autre. Une attirance, invisible, presque peu crédible. Mais Tony est un ange, et les anges sont des êtres bienveillants. Et Angèle est une femme qui de multiples atouts : elle est aux yeux d’un marin pêcheur un peu à part, un peu exceptionnelle. Sans doute parce qu’elle est jolie.

Toute la magie du film provient d’un électrochoc entre une tension et des petites attentions. Leur relation amicale ou amoureuse n’étant pas acquise, on s’interroge sur la manière dont la magie va / peut opérer. Et subrepticement la réalisation glisse au fur et à mesure des éléments où l’on voit Angèle s’intégrer dans ce nouveau monde, s’y glisser naturellement, jusqu’à accepter sa part de bonheur, sur un bateau avec Tony et son frère. Instant révélateur et gracieux qui fait dévier le film vers son final : il a commencé avec les émotions noires d’Angèle, il se conclura avec les bienfaits lumineux de Tony. La lumière l’emporte sur l’ombre. Cela transparaît à l’image : les visages sont plus suaves, le soleil est plus présent. Entre temps, il y aura cette séquence improbable où le couple répète une scène de Blanche Neige. Un peu de légèreté et de sous entendus qui déclencheront le désir amoureux.

Rien n’est manichéen, prévisible. Tout est humain, tout sonne juste. La liberté n’est plus conditionnelle. C’est un coup de vent d’air iodé, où la possession n’a pas le droit d’exister.
La réinsertion est passée par un lien social (solidaire même) intense. Oeuvre naturaliste et sociologique à prime abord, elle est en fait une immense déclaration d’amour, une œuvre romantique sans misérabilisme ni excès. Ici, on n’embellit rien, on ne peut pas mentir. « Vous auriez pu enjoliver un peu » fait-on remarquer à Angèle qui a préféré dire les choses telles qu’elles sont. Mais dans un cinéma-vérité, ce n’est pas possible : la dureté existe, même si ce n’est qu’une carapace. Tout le monde est fragile : le mensonge ne ferait qu’effondrer ces êtres vulnérables.

Si elle se refuse à rêver, elle continue d’espérer. Tony reste les pieds sur terre, même quand il est en mer. Leur histoire nous berce agréablement et redonne foi en l’humain. Aucun crabe, sans doute, n’a été martyrisé, les maquereaux ont sûrement été vidés proprement. Mais surtout Clotilde Hesme et l’excellent Grégory Gadebois ont donné de la vie à des personnages habituellement sordides sur le grand écran.
Dans cette vie pleine d’arêtes, ils sont une chair bienvenue qui peut inspirer les plus jolis poèmes : ceux qui repoussent les morts et les fantômes.
 
vincy

 
 
 
 

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