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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le discours d'un roi (The King's Speech)
/ 2010
02.02.2011
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L’HOMME QUI NE VOULAIT PAS ÊTRE ROI
« - Connaissez-vous des blagues ?
- La chute n’arrive jamais à temps. »
A priori c’est convenu. Un scénario plutôt brillant, une mise en scène sans trop d’effets, hormis quelques contre plongées, des acteurs perfectionnistes : Le discours d’un roi est une mécanique bien huilée, sans grain de sable. Presque formaté, le divertissement est pourtant bien supérieur aux productions anglo-saxonnes actuelles. Certes, cela semble lisse, et d’ailleurs le film glisse sur le spectateur. Cette absence d’aspérités pourrait lui faire défaut, mais le plaisir est indéniable : il ne manque pas d’esprit, ni de valeur historique, ni même d’une dose de traumatisme psychologique qui permettent de créer des tensions et des soulagements.
Le discours d’un roi est même une gageure. Un soupir d’angoisse lors de ce premier discours public du Prince de Galles, bègue, hésitant, lamentable, honteux, méprisé. Un soupir de bienêtre lors du dernier discours du film, celui d’un Roi toujours bègue, mais assumant son trône, son rôle, comprenant l’importance de ses mots, cherchant à ne pas se louper. Entre ces deux soupirs, le film fait le pari de nous passionner pour un homme qui n’a pas d’éloquence, un comble pour un comédien, pour un film aussi, encore plus dans notre époque dédiée à la communication orale et à la propagande par petites phrases.
Ce n’est ni un chef d’œuvre, ni même un très grand film. Le discours d’un roi est un film classique, populaire, intéressant, habile, plaisant. Ce qui n’est déjà pas si mal. Colin Firth y est parfait, entre colères, frustrations et complexes introvertis ; Geoffrey Rush ne manque pas de charisme et apporte la touche loufoque, fantasque qui évite la dramatisation, héritant du personnage le plus nuancé ; Helena Bonham Carter trouve son plus beau rôle depuis des lustres, loin de ses frasques excentriques à la Burton, et presque discrète, suave, et néanmoins séduisante. Ce trio apporte une densité que le scénario seul ne pouvait pas forcément transposer. D’autant que la réalisation se repose sur une jolie direction artistique, un sens du cadrage plutôt soigné, une belle image, mais elle est rarement originale et ne se singularise que dans quelques séquences : le duo entre le futur Roi et son « coach », ou encore son Altesse quand elle est écrasée par les portraits de ses ancêtres ou la grandiloquence d’une cathédrale.
Pour Colin Firth, le rôle est en or : quoi de plus antinomique pour un comédien que d’interpréter un personnage ne sachant pas parler, ne parvenant pas à assumer son statut, ne pouvant pas jouer au premier rôle alors qu’on a le film sur ses épaules. Ce « handicap » est toujours valorisant pour les Oscars. Geoffrey Rush en sait quelque chose depuis sa révélation dans le magnifique Shine. L’apprentissage de la communication pourrait être l’analogie d’une formation de comédien : apprendre à respirer, à contrôler sa voix, à se tenir, à se concentrer.
Le film ne manque pas d’humour, se crée quelques rebondissements, et en profite pour retracer une période méconnue de la royauté britannique, juste avant la seconde guerre mondiale. La cour du Roi n’a rien d’une famille : elle est « managée » comme une firme, ce ne sont plus des Altesses mais des pantins au service de l’image de l’Empire. Des comédiens. Et c’est là que le bas blesse : l’aîné est un people qui n’aime pas les contraintes, le second est un bosseur qui ne sait pas capter l’attention. Et face à lui, un Hitler qui est un grand orateur : c’est souvent comme ça, les seconds rôles et les méchants vous volent la vedette si facilement…
Avec la guerre qui gronde en toile de fonds, le film déroule ainsi une histoire de marionnettes dont l’une d’entre elles rêverait d’être ventriloque.
Cette comédie parfois dramatique est une histoire de combat contre ses propres démons. Un grand classique hollywoodien. Mais ce qui touche le plus juste c’est de voir la sollicitude d’une épouse et celle d’un orthophoniste malgré lui à l’égard d’une personne qui a plus souffert qu’on ne le croit. On aurait sans doute aimé voir le film explorer ses chemins de traverses psychanalytiques. Tel n’est pas le propos. Il faut que le Roi sache parler. Il aura le droit à un discours final de 9 minutes. Grâce soit rendue aux scénaristes de nous avoir épargné ses discours d’intronisation (un bref prologue catastrophique et une répétition accélérée) pour mettre l’accent sur ce « speech » majeur et historique : une déclaration de guerre. Car, l’image a beau avoir envahi notre culture, ce sont bien les mots qui gardent leur importance. La parole est essentielle, quelque soit son support. Le film parvient à ses fins, et nous touche avec une dramatisation didactique. Moment héroïque avec un homme, un micro et un huis clos confiné. On ne peut pas faire plus sobre. De la radio filmée. Là, Le discours d’un roi s’affirme royal. Sans doute parce que l’anecdotique parcours de Georges VI se transforme en acte étatique et historique.
vincy
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