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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Precious Life (Chaim Yakarim)
/ 2010
23.02.2011
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UNE GREFFE QUI PREND
« Même les enfants parlent comme des vieux qui attendent la mort. »
Ça aurait été une belle fiction. C’est un documentaire saisissant. Shlomi Eldar a d’abord fait un reportage pour sensibiliser le public israélien de sa chaîne de télévision : sauver un bébé palestinien en lui permettant de faire une greffe de 55 000 $. Il a suffit d’une diffusion pour que les fonds soient là et que l’hôpital se lance dans la quête d’une moelle compatible. Le journaliste n’a pas pu lâcher son sujet. Par compassion, empathie, par volonté de rapprocher les deux peuples, par désir de comprendre ce qui les séparent, il a commencer à filmer une autre histoire : celle d’un pays, Israël, capable de sauver un bébé palestinien, d’autoriser ses parents à venir à Jérusalem, de donner des cadeaux à cette famille touchée par le sort, et celle d’un conflit qui n’en finit pas, qui peut survenir à tous moments (et compliquer la donne). Une histoire d’anges et de démons.
Ce regard très observateur du documentariste / reporter n’a rien de neutre. Il s’y implique même trop à son goût, jusqu’à mettre en danger cette objectivité qui le protège dans son métier d’origine. Pédagogue, il n’hésite pas à enrichir son commentaires d’informations qu’on ignore parfois. Ainsi l’Hôpital de Jérusalem est le dernier pont qui relie israéliens et palestiniens quand ceux-ci sont gravement malades (comme ce bébé immuno-déficient) alors même que les autres ponts sont bloqués ou brûlés.
Doucement, entre Gaza et la capitale de l’État hébraïque, avec quelques détours introspectifs sur l’autoroute de Tel Aviv, Eldar expose les fossés entre les deux peuples (Gaza est un bidonville du tiers monde, Jérusalem semble verdoyante et paisible), les incompréhensions culturelles (des palestiniens déphasés face à la célébration des 60 ans d’Israël), les paradoxes d’un peuple (notamment ce médecin qui tente de sauver ce bébé et voue sa vie, en toute abnégation à son métier quelque soit la nationalité du patient, qui est appelé à se battre lors d’un énième conflit contre Gaza ; ou encore ces soldats israéliens qui viennent faire des cadeaux à la famille palestinienne).
Spécialiste de Gaza, Eldar en profite pour plonger sa caméra dans cette bande de survie, révélant ainsi les dures conditions de vie de sa population. L’ébullition de cette future éventuelle Palestine est valorisée par l’exaltation du journaliste, persuadé de l’utilité de sa mission : changer le regard que se porte les deux peuples, trop manipulés par les diabolisations mutuelles. « Depuis petits, on nous dits que les Juifs sont dangereux ».
Le film est ainsi construit avec trois lignes parallèles, qui influent les unes sur les autres, par ondes de choc. Le conflit israélo-palestinien, sauvage et imprévu, qui a aussi sérieusement perturbé la production du film, improvisée. Le suivi médical du bébé, véritable suspense à rebondissements, où récolter vingt cinq flacons de sang à Gaza et les rapatrier à Jérusalem s’avère périlleux. Et les tourments du documentariste et de la mère du bébé, qui vont cristalliser les tensions des deux pays à travers leur propre opinion, leurs propres contradictions.
Le conflit, y compris dans sa phase la plus violente, n’a jamais conduit à l’arrêt du film. Le désespoir de sauver le bébé n’a jamais suffisamment atteint les médecins, la famille ou le réalisateur pour qu’ils envisagent d’abandonner. En revanche, le dialogue entre le cinéaste et la mère ont faillit conduire à un clash, comme si cette émotion, palpable, était plus forte que les morts ou la fatalité.
C’est la scène clés. Une scène où la parole prend plus de sens que les images, où l’individu a plus de poids que la vie autour. Lui et elle. Cela commence avec le Temple. « Ne parlons pas du Temple, c’est la source de nos problèmes » dit-elle. Le désir de Jérusalem, plus fort que tout. La mort est normale pour elle, la vie est précieuse pour lui. Certes, en sauvant à tout prix son fils (y compris en faisant confiance à des médecins Juifs), elle se contredit. Mais elle terrifie quand elle croit que ce sera un honneur de le voir se sacrifier plus tard pour récupérer Jérusalem. Alors Eldar s’interroge et doute : pourquoi sauver ce bébé si c’est pour en faire un kamikaze.
De l’autre côté, rien n’est binaire. La pauvre mère est considérée comme une odieuse collaboratrice avec l’ennemi en voulant sauver son gamin. Son parcours intellectuel va la conduire à temporiser ses déclarations, ses affirmations. Mais il lui faudra du temps, des preuves, une certaine indépendance d’esprit. Renier son éducation, sans nier sa culture. C’est ce qui fait de Precious Life un film précieux : il suit le cheminement d’une femme, jolie, amoureuse, pauvre, normale, vers ses propres doutes. Elle commence à percevoir l’immense gâchis de cette guerre éternelle.
Le médecin, de son côté, veut croire à cette fin optimiste quand il évoque le bébé : « s’il ne joue pas avec mon fils, ses enfants joueront avec les siens, ou leurs petits enfants… un jour, ce jour viendra. »
En toute humilité, sans vouloir changer le monde, mais en réorientant certains regards, le documentariste réussit à nous toucher, nous faire réfléchir, et surtout à espérer qu’un jour les checkpoints ne sauteront plus, que les Palestiniens marcheront sur du gazon, que le Temple ne soit plus une source de problème. Mais là, sauver un bébé ne suffit pas. Ce sera d’ailleurs à ce petit Mohammed de se souvenir que l’alliance entre ses deux peuples lui ont permis d’exister.
vincy
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