Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'agence (The Adjustment Bureau)


USA / 2011

23.02.2011
 



UNE FILLE DANS LA TÊTE





« Le voyou du congrès brigue le Sénat » Il ne reste pas grand chose de l’univers de Philip K. Dick dans cette version cinématographique de l’une de ses nouvelles. L’agence flirte avec la science-fiction, dose avec équilibre l’action mais il s’agit avant tout d’une comédie romantique. Certes, le film prend le genre à contre pieds : ici, tout est fait pour que le couple idéal ne se forme pas. Énième variation sur le libre arbitre, qui ne va pas jusqu’au bout de ses limites, notamment en explorant mal les possibilités du hasard, L’agence effleure superficiellement les conflits qui peuvent découler de leurs choix. Même l’enjeu, crucial, est traité à la légère : choisir entre un destin unique (président pour l’un, star de la danse pour l’autre) et un destin uni. Sous les apparences d’une production hollywoodienne, classique, le film n’est en fait qu’une romance portée par deux bons acteurs, et dont les véritables moments de suspens sont les étapes qui les conduisent au grand amour : premier baiser, premier vision de grâce, première confession intime, …
Ils se rencontrent dans les toilettes pour hommes. Ils se décideront aussi dans des toilettes pour hommes. Entre temps, le film se laisse regarder. Certes, le réalisateur aurait pu s’autoriser des scènes comme celle de la première rencontre, où il prend son temps, où il laisse la liberté aux deux comédiens de poser leur relation. Tout comme il aurait pu continuer le ton subversif du début, quand le candidat au Sénat fait un discours sur l’authenticité et dénonce ainsi les méthodes du marketing politique.
La mise en scène n’exploite jamais complètement les possibilités qu’offrent le sujet du film. Elle se déconcentre et veut aborder trop de genres en un seul. On passe ainsi d’une atmosphère paranoïaque et bizarre à un drame très hollywoodien. Ne fallait-il pas choisir à un moment donné ? L’agence est un mélange de Château ambulant (les portes donnent sur un nouveau quartier), de Attrape moi si tu peux (l'élégance esthétique et les jeux de chats et de souris), de Men in black (entre costumes uniformisés et effacement de mémoire), d’Harry Potter (le Ministère de la Magie et ses carnets de notes animés), d’Inception (effets d’optiques), de Pretty Woman (une liaison interdite par tout l’entourage du politicien)…

Heureusement, il n’y a pas de temps morts. Le suspens est très diffus, mais les rebondissements sont calculés pour ne pas nous laisser sur le bas-côté. Ce conte de fée (dès lors qu’un baiser modifie à jamais l’existence planifiée de quelqu’un et que des anges / superviseurs veillent à ce que les destinées soient bien respectées, on est bien dans un conte de fée) repose sur un dilemme (vivre sa vie rêvée ou risquer une vie imprévue) qui aurait mérité plus de drame.
La direction artistique ne suffit pas à combler un scénario trop convenu, pour ne pas dire facile. Jamais les sentiments extrêmes ne permettent au film de se lancer dans un engrenage infernal qui nous aurait fait palpiter. Reste que Damon et Blunt s’y lancent à corps perdus, bille en tête, et donnent ainsi le plaisir que le script ne portait pas. L’administration « divine » est évidemment absurde, presque kafkaïenne. C’est d’ailleurs cet aspect christique qui peut déranger tant elle est antinomique avec les angoisses de Philip K. Dick, davantage liées au progrès. Ici, la bureaucratie, mélange de Big Brother et de Stasi, est assagie par ce vernis biblique. La bonne idée reste cependant d’avoir transformer ces anges en cols blancs qui se fondent dans la masse. La transparence n’est qu’une illusion, comme le libre arbitre est un mirage, si l’on en croit ces sermonneurs.

Si le personnage du politicien est clairement « démocrate » (plutôt de gauche, écolo…), on ne parvient pas à savoir si la politique du Patron (Dieu quoi) est critiquée ou non. Il reste aussi intouchable qu’invisible. Cela reste une production américaine. Pourtant, là aussi, il y avait matière à dénoncer ceux qui veulent régir les vies de chacun…
Ce vaudeville dramatique, où toutes les portes se claquent, n’est pas raté, mais il frustre tant il y avait de quoi en faire un film engagé et tendu sur les rapports entre l’individu et les diktats de nos sociétés : politiciens, religieux, ... Les poursuites et les sentiments amoureux en font une œuvre un peu biaisée mais pas déplaisante.
 
vincy

 
 
 
 

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