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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Requiem pour une tueuse
France / 2011
23.02.2011
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LA PROFESSIONNELLE
«- J'y arriverai pas, j'ai trop de pression, j'arrête. »
Paraît-il que l'intention était de faire un film hitchcockien. Une blonde. Un huis-clos. Un jeu de chat et de souris avec la mort aux trousses tout en évitant d'avoir la main au collet. Requiem pour une tueuse n'est évidemment en rien hitchcockien, malgré un final plagié sur L'homme qui en savait trop.
On est davantage dans un Agatha Christie pour l'atmosphère et les récents films à suspens français (Largo Winch, Anthony Zimmer) pour l'esthétique. Tout cela donne un polar à la « Nikita » (avec une héroïne froide) plaisant, certes, mais paradoxalement porté davantage sur une ambiance que sur une action. Ce n'est sans doute pas un hasard si le scénario repose (dans sa première partie) sur une succession de tentatives de meurtres qui avortent, interrompant toute forme d'action, de mouvement. Les meurtres sont furtifs, ou, le plus souvent, hors champ. Dans la seconde partie, le script bascule vers une autre forme de suspens : qui va mourir ? La mise en scène change, le rythme aussi. Mais là encore la mort reste à distance.
Cette absence de sensationnalisme est partiellement compensée par l'omniprésence de la musique, qui épouse le film. La tueuse à gage est cantatrice amateur, et sa fille joue du violon (faisant dire à la mère, Mélanie Laurent, ex-violoniste du film Le Concert qu'elle aurait adoré en faire), l'agent / espion joue de la guitare, l'intrigue se passe dans un festival d'art lyrique.
Les comédiens jouent ainsi leur partition et forment un bel orchestre. Zéro défaut, zéro dérapage, ce qui colle au professionnalisme de leurs personnages, qui pourtant vont faillir. Tout est un peu prévisible (dès la première scène de Karyo, on va comprendre l'enjeu des citrons), peu original (la patronne de Cornillac est une copie de Judi Dench en M dans James Bond), le final est une reprise de la fin du Retour du Grand blond.
Mais les soupçons, les lâchetés, les erreurs de ces « missions : impossibles », le fait qu'aucun des deux ne veuille faire son job procure un plaisir insidieux : l'anti-polar. Le fait que la chasseuse devienne la proie est aussi banal que peut-être originale la culpabilité des meurtriers. Quelques bons dialogues enrichissent théâtralement des scènes, quand d'autres subissent un vide existentiel. Les accents étrangers sont ridicules (comment Karyo peut se faire passer pour un agent autrichien en parlant un si bon français ?), comme la psychologie est superficielle. Le film l'est assurément, enchaînant les clichés et le déjà vu, un peu bancal côté scénario.
Et pourtant Jérôme Le Gris a ce talent d'en faire un film qui n'est pas raté, une oeuvre cinématographique qui révèle un fantasme de cinéma, mais dont il manque encore la chair et les sens pour donner du relief et de la vie à ce cadavérique et morbide, froid et clinique Requiem pour une tueuse. La Suisse, en cela, était le décor adéquat.
vincy
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