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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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In America
Irlande / 2003
25.02.04
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IN THE NAME OF THE BROTHER
"- On a dû passer sous l’eau pour entrer dans la ville."
Pour la première fois, Jim Sheridan sort de l’Irlande pour nous faire migrer vers Manhattan, la ville où les Irlandais sont flics. Mais, par un sort étrange, pour ne pas dire une forme d’étrangeté, il nous offre son film le plus intime, le moins violent. Voyons-le comme un conte pour enfants. Une histoire douce amère, mélancolique et mélodramatique, rieuse et fabuleuse. Car ce sont bien les deux gamines qui sont au cÏur de ces souvenirs si émouvants. Quand l’aînée filme, l’autre cause. Rarement, nous quittons leur point de vue. Le personnage incarné par Djimon Housou, aussi irréel que fantastique, pourrait être un magicien inventé pour que leur famille achève le travail de deuil et donne naissance à une nouvelle vie - qui peut-être un bébé comme un autre pays.
D’ailleurs, Sheridan ne nous leurre pas. Tandis que les parents sont confrontés à une réalité sordide, nous découvrons un New York luminescent, entre eldorado et Vegas, un appartement de bohème, une jungle urbaine peuplée de créatures étranges (travelos, toxicos), et une petite musique enfantine. Cela amènera d’autant plus facilement aux éléments dramatiques, et même aux révélations tragiques et aux cauchemars hantés que Sheridan apporte avec délicatesse. Même s’il n’hésite pas à souligner un peu trop certains de ses effets. Mais l’ensemble fonctionne, sans être déséquilibré. Ni pathos hollywoodien, ni interprétation hasardeuse intellectuelle. Sheridan épure et nous secoue avec une histoire simple, une psychologie désencombrée d’artifices et un sentiment morbide suffisamment assumé pour nous donner une dose de vie à la fin du film.
Il ne faudra pas s’attendre à une critique de l’Amérique. Mais le regard social est omniprésent sur des new yorkais en état de survie permanent. Sheridan maîtrise si bien son sujet qu’il fait d’une simple séquence de jeu de foire un suspens insupportable, dramatique. Ca tient à peu de choses le bon cinéma. Sheridan n’a pas la prétention de faire autre chose qu’un film mignon attachant, à l’image des deux jeunes comédiennes, craquantes, excellentes, voleuses de scènes face à une Samantha Morton pourtant juste du début à la fin, en passant par toutes les nuances d’un regard.
Dans cet immeuble qui ressemble à un Manoir hanté, au milieu des fantômes et en se berçant d’illusions, In America (ré)sonne vrai. C’est sans aucun doute le plus appréciable des paradoxes. Contrairement au père, il réussit à se mettre en danger et à lâcher ce qu’il a dans le ventre, digérer par 20 ans de vie et d’écriture. Mélange de biographie personnelle et de scénario fictif, entre les 30 420 $ de notes d’hôpital pour un accouchement complexe et le miracle d’une rencontre, Sheridan ne cherche plus à se battre contre une réalité. Il en accepte aussi le mystère : "parfois, c’est comme si la vie n’était qu’une illusion." Belle définition du cinéma. vincy
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