Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Cirkus Columbia


/ 2010

23.03.2011
 



CHACUN CHERCHE SON CHAT





Il faudrait ne pas s'arrêter au ton faussement léger et aux accents de farce de Cirkus Columbia. Il faudrait, parce que c'est juste une manière de camoufler la tragédie sous la dérision et l'humour noir. Rire de tout (et surtout de la bêtise des hommes) pour ne pas mourir de chagrin. Pourtant, cela n'est pas forcément simple, Danis Tanovic ne faisant ni dans la subtilité, ni dans le bon goût systématique. Ses personnages hauts en couleur sont des stéréotypes, ses situations des caricatures. Ce qui peut gêner le spectateur et l'empêcher de goûter l'ironie de l'ensemble.

Le drame familial est d'ailleurs assez passe-partout. Seul le personnage de Vidko sort du lot parce qu'il incarne un capitalisme imbu de lui-même, un homme qui a perdu ses valeurs et sa conscience en même temps qu'il a quitté son pays. Seul son chat l'intéresse (puisqu'il le considère comme son porte-bonheur), et d'ailleurs il le cherche partout. C'est que dans ce village où l'Histoire ne s'est pas encore mise en marche, chacun cherche quelque chose : la chance, l'amour, la fortune... une autre vie. C'est à la fois le règne de l'individualisme et le mirage d'un mieux économique. Ainsi ce personnage qui ramène jour après jour des chats errants à Vidko, dans l'espoir de toucher la prime. Et qui ne comprend pas pourquoi l'autre veut un chat en particulier.

Cela semble anecdotique, mais la recherche du chat cristallise tous les ressorts de l'action, et donne une lecture symbolique d'une intrigue sans cela gentillette. On est dans le calme avant la tempête, et déjà un climat anxiogène couve. On sent que ce sont les derniers éclats de rire avant le drame, la peur et la mort. Peut-être même y-a-t-il tous les paradoxes d'un peuple dans cette incessante et dérisoire recherche d'un chat porte-bonheur, surtout de la part d'un homme qui a abandonné sa propre famille sans l'ombre d'un remord.

Miki Manojlovic, qui incarne Vidko, donne une certaine prestance à ce salaud désarmant. Même s'il ne peut s'empêcher de cabotiner, il le rend crédible, presque touchant. Évidemment, l'évolution soudaine du personnage est factice, sinon invraisemblable, mais elle permet au film de passer brusquement du statut de chronique à celui de fable. Une fable sur un monde en décomposition, portant déjà les stigmates de son Histoire à venir, celle d'un déchirement sanglant et indescriptible.
 
MpM

 
 
 
 

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