Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Sucker Punch


USA / 2011

30.03.2011
 



WONDER(BRA) WOMEN





"Ta lutte pour survivre commence maintenant"

Que feriez-vous avec 82 millions de dollars et une courte période de répit entre l'adaptation d'un comic culte (Watchmen) et la reprise d'une franchise adulée (Superman) ? Beaucoup partiraient en vacances, ou se lanceraient dans un projet underground fauché et brillant, histoire de prouver qu'ils ont quelque chose dans la tête. Zack Snyder, lui, a décidé de remettre le couvert en réalisant certes son premier long métrage en tant qu'auteur, mais que l'on croirait tout droit sorti d'un énième roman graphique américain, sombre et violent. Et qui s'avère une sorte de condensé de ce qui a fait sa marque de fabrique : style pompier et exubérant, recherche visuelle, maniérisme et absence totale de subtilité de mise en scène.

Presque sans surprise, les affiches placardées un peu partout vendent un actionner sexy et décérébré vaguement mâtiné de fantastique, ce qui n'est que la partie immergée du blockbuster potentiel. En réalité, Sucker punch tient plutôt de la tragédie psychologique à la noirceur extrême et aux accents apocalyptiques tant l'univers dans lequel évolue l'héroïne, la très ironiquement nommée "Babydoll", est glauque et parfaitement dépourvu d'espoir, de compassion ou de chaleur humaine.

Cela commence comme un clip (réussi) sur la reprise habitée de Sweet dreams d' Eurythmics. Dans un manoir inquiétant, une jeune fille à la blondeur innocente assiste impuissante à la mort de sa mère et au meurtre de sa sœur par son beau père sadique, sorte de Nosferatu terrifiant. Incapable de lui faire face, elle se retrouve accusée de la mort de sa sœur et internée dans un hôpital psychiatrique sordide, où l'attend une lobotomie certaine. Pas une parole n'a été prononcée, et l'on se croirait presque revenu aux temps du muet, dans un clair-obscur légèrement outré qui fige les expressions et accentue les émotions.

Une fois ce décor planté, Zack Snyder s'empresse de brouiller les pistes en déclinant plusieurs niveaux de réalité, un peu à la façon d'Inception. Dans l'une de ces réalités (il faudrait écrire : fantasme), la frêle héroïne se transforme en une véritable machine de guerre lancée contre tout ce que l'imagination comporte de monstres : morts-vivants nazis, robots futuristes, orcs, dragons... Amusant syncrétisme qui mêle heroic fantasy, science-fiction et 'shoot them up' basique.

Une fois encore, Zack Snyder lorgne en effet du côté du jeu vidéo, mais sans parvenir à en atteindre les aspects les plus jubilatoires. Pas désagréable de voir ses 5 bombes se battre contre tous les méchants de la création, mais cela manque de substance. Et puis, surtout, cela replace curieusement le film dans une exploitation bête et méchante de la super héroïne habillée court et au décolleté plus fouillé que la personnalité. D'autant que dans les autres niveaux de réalité, cela n'est pas mieux, les femmes étant cantonnées aux rôles d'objet sexuel ou de cobaye. Eternelles victimes qui ne triomphent qu'en rêve et se sacrifient, encore et toujours, pour le bien d'autrui. A un certain point, on aurait pu croire (en dépit des affiches) que le film pourrait avoir un petit quelque chose de féministe, mais il est en fait profondément destiné à un (jeune) public masculin.

Il ne manquait pourtant pas grand chose pour que l'alchimie fonctionne pleinement : un script plus travaillé, des personnages moins stéréotypés et fades, plus de densité. Car passée l'esbroufe visuelle habituelle chez Snyder (alternance de ralentis et d'accélérations, image travaillée, stylisation de la violence...), force est de constater que le film est moins profond qu'il n'en a l'air, moins abouti aussi. Il y a un certain manque de cohérence entre les univers, une construction trop répétitive des séquences "d'évasion", des facilités scénaristiques. Sans oublier cette musique tonitruante qui vrille les tympans et camoufle les approximations sous des décibels censés apporter style et modernité. Dans les faits, elle apporte surtout une énorme migraine...

Malgré tout, et même si le public appâté par le marketing risque de se sentir floué, l'ambiance oppressante, les situations inextricables et le fort sentiment d'urgence font de Sucker punch un film relativement surprenant, parfois inattendu, qui est sans conteste l'œuvre la plus personnelle du réalisateur. Entre ses mains, le spectateur devient un être régressif qui adore frémir devant les scènes d'action, ressentir une horreur diffuse face à un danger omniprésent et se réjouir de la victoire du bien sur le mal. Quoi que l'on pense du résultat, il faut reconnaître à Zack Snyder l'immense talent d'être parvenu à imposer son style et son univers au plus grand nombre sans avoir eu peur de le bousculer ou de le faire fuir.
 
MpM

 
 
 
 

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